Il plaisantait et ne pensait pas qu'elle prendrait sa proposition au sérieux. Cependant, il jugea que ce jeu là pouvait être amusant également.
- C'est ta première action ? Me faire retirer ma chemise ?
Il la retira boutons après boutons, dévoilant son corps parfaitement entretenu. Puisque sa seconde vie lui avait donné un visage moins élégant, il avait mis le paquet sur le reste de l'esthétisme. Ainsi, il avait un corps parfaitement sculpté mais pas gonflé. Il la retira ensuite sans plus de cérémonie.
- Alors Olivia, action ou vérité ?
Il but un autre verre d'alcool, pour la forme. Ce jeu leur permettrait de faire une petite pause à ce niveau là, et ce n'était pas mal.
Je me fige de nouveau quand je me tourne vers lui. Heureusement que je suis douée pour garder de la contenance parce que j'en serais rester bouche bée comme une idiote sinon.
Ces petits jeux commencent à devenir dangereux. J'ai du mal à me concentrer sur son visage ou autre qui me ferait arrêter de penser à son corps parfait.
Je vais paraître rabat-joie mais je vais partir sur vérité pour commencer. Demande ce que tu veux, j'essaierais de répondre du mieux que je peux.
Sans mentir si je peux le faire. De toute façon, mon esprit commence à s'embrouiller alors ça serait difficile d'inventer des histoires improvisées.
Il la voyait bien, son attitude qui avait légèrement changé depuis qu'il avait ôté sa chemise. Elle l'avait demandé après tout.
- Et on commence avec une vérité… hmmmm… Laisse moi réfléchir…
Il prit la pose, pour rire. Son menton calé dans son index et son pouce en signe d'une intense réflexion. Il lui posa la première chose qui lui venait en tête :
- Hmmm. Tu as quelqu'un en vue en ce moment ?
C'était bateau. Curiosité mal placée. Il se serait senti soulagé que ce soit le cas. Il n'aurait plus été tenté.
On dirait que ma vie sentimentale l'intéresse, comme moi je suis curieuse à propos de ses préférences. Je ris un peu à sa question.
Eh bah je m'attendais à autre chose comme demande.
Je pourrais donner la réponse que je suis censée dire, à savoir oui mais je n'en ai pas spécialement envie. Je n'ai pas envie de mentir à ce sujet, même si en apparence, j'ai commencé à mettre en route ma vengeance contre mon concurrent. Le plan marche bien jusqu'à présent d'ailleurs.
Je pourrais dire que ça ne se demande pas à une dame mais j'ai promis de répondre alors…
Je laisse durer le suspense quelques secondes en le regardant :
La réponse est non ! Sinon, je ne me serais pas retrouvée en boîte avec des amies et on ne serait pas en train de boire maintenant. Pourquoi ça t'intéresse ?
Blessé dans son ego ? Un peu. Il n'espérait pas être l'heureux élu, loin de là ; surtout étant donné leur différence d'âge réelle. Ils se connaissaient peu, n'avaient rien en commun à part leur footing. Cependant, apprendre que si elle était intéressée par quelqu'un, même s'en sortir avec, voudrait dire qu'elle ne passerait pas cette soirée avec lui piqua son ego.
- Cette fois, tu veux que je choisisse vérité ?
Il haussa les épaules.
- Pourquoi pas ? C'est une question comme une autre pour faire connaissance. Tu es donc tu genre à ne pas sortir si tu as quelqu'un en vue ?
Il avait rebondit comme il pouvait, se rendant compte bien trop tard que la question sur sa vie sentimentale pouvait laisser croire qu'il s'intéressait à elle.
Je me demande brièvement de quoi il parle avant de percuter. Je voulais juste avoir la réponse à ma question par curiosité et non pas pour continuer le jeu. Mais ce n'est pas grave, je me reconcentre pour écouter sa réponse.
Ce n'est pas vraiment ça.
Je me mords un peu les lèvres et réfléchis à comment expliquer. Ça met un petit temps à venir vu mon état mais je finis par trouver.
Disons que les apparences sont importantes et si les gens savent que j'ai quelqu'un qui m'intéresse, ils risquent de se demander pourquoi je sors quand même et flirt peut-être avec d'autres. Les relations libres, ce n'est pas très bien vu après tout.
Je soupire un peu, exaspérée d'être limité pour des questions d'images et bienséance. Les hommes ont plus de chance à ce niveau-là. J'hausse les épaules en ajoutant:
Mais bon, ce n'est pas comme si j'avais des relations sérieuses pour commencer ! Quoique…
J'hésite deux secondes avant lâcher:
Il paraît qu'on est ensemble tous les deux. Pas vrai chéri ?
Il la laissa trouver ses mots. Il se contentait de la regarder, maintenant la même position. Elle avait vraiment quelque chose que les femmes comme Lina n'avaient pas. La même chose qu'il avait trouvé à l'époque chez sa femme. Ce qui l'avait fait craquer, lui qui c'était juré de ne jamais plus retomber amoureux.
- Hm, se contenta-t-il de répondre en hochant la tête.
Auparavant comme maintenant, le monde était plus impitoyable avec les femmes qu'avec les hommes. Il avait eu la chance de naître dans une famille gérée d'une main de fer par les femmes, au décès de son père, à l'époque Jack. Cela lui avait permis d'être un peu moins con que la moyenne sur ce sujet.
Il eut un large sourire lorsqu'elle l'appela chéri. Ce petit jeu à nouveau. Il n'avait encore rien avoué à sa mère, c'était donc le cas.
- Bien sûr, ma bien aimée.
Il en rajoutait une tonne, voix mielleuse et expressions vielliotes qu'il n'utilisait même pas à l'époque. Il se laissa tomber dans le lit, allongé sur le côté et en appui sur son coude. Il fit un mouvement de sa main libre pour lui demander de s'approcher, sauf qu'il ne lui laissa pas le temps de faire quoi que ce soit et la tira vers lui.
- C'est comme ça que les couples se tiennent dans un lit non ?
Et pour éviter tout débordement… il la chatouille sans pitié, plus immature que jamais.
Ma bien-aimée ? Ça je m'y attendais pas non plus. Il ne cesse de me prendre au dépourvu. A part dans les films à l'eau de rose historique, je n'avais plus entendu ça dans la vraie vie. Je n'ai même pas le temps de me demander ce qu'il fabrique en se laissant tomber dans le lit qu'il m'entraîne à sa suite.
Complètement surpris cette fois-ci, je suis incapable de le cacher. Il ne me laisse pas non plus le loisir de répondre en me chatouillant. Ce qui me fait m'agiter en riant. La sensation est étrange et je crois que c'est la première fois que ça m'arrive dans cette vie.
Ça suffit ! Je vais devoir me venger si tu continues.
C'est tout ce que j'arrive à dire entre deux fous rires. J'essaie de me défendre et lui rendre la pareille mais ça semble vain.
Il pouffa de rire. La chatouiller était amusant, mais la voir se débattre et le menacer était hilarant.
- Voyez vous ça ! Mais vengez-vous, vengez-vous !
Il fit mine de lever ses mains, mais aussitôt il les rebaissa pour l’empêcher de se concentrer.
- Enfin… Si tu le peux !
Il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit aussi réceptive, aussi sensible. Sans l’alcool, il ne se serait jamais permis. Pas avec une princesse comme elle. Il l’avait imaginé monter sur ses grands chevaux, le repousser, râler, être fâchée. Mais la voir rire sous son supplice le fit rire de plus belle. A ce moment-là, il n’avait pas 30 ou 40 ans, mais bien une vingtaine d'années.
- J’atteeeends…
Il n’était pas vraiment conscient de la proximité de leur corps, et avait totalement occulté le fait qu’il était torse nu. Non, il s’amusait. Tout simplement.
Il m’invite à me venger mais il m’en empêche en baissant les bras. J’hausse les sourcils en disant:
Vous avez l’air bien sûr de vous monsieur !
J'ai bien une idée de quoi faire mais je ne pense pas que ça va lui plaire. Sans attendre et bien plus vite que je m'en pensais capable, je prends un peu d'élan et avance dans sa direction pour me mettre à califourchon sur lui. Ça me donne un avantage non négligeable et je peux lui rendre la pareille sans pitié. Et sans me rendre compte de la position. En oubliant complètement que ça pourrait être mal interprété, que c'est une position subjective. Il faut croire que l'alcool a fini par avoir raison de toutes mes barrières.
Sur de lui ? Bien sûr qu'il l'était ! Il ne voyait pas ce que la gentille petite Olivia, bien sous tout rapport, pourrait bien faire pour riposter ! Alors lorsqu'elle sembla prendre de l'élan, il eut juste le temps de se dire "non, elle ne va pas oser." Mais la voilà sur lui, dans une position plus que suggestive.
Bien entendu, des pensées n'eurent pas le temps de germer qu'il se tortillait déjà sous la torture. Car oui, son ancien corps n'était que peu sensible mais celui ci l'était beaucoup trop. Son air habituellement sérieux laissait place à des traits plus doux, plus jeunes, plus chaleureux. Des larmes commencèrent à parler sur le coin de ses yeux tant il riait.
Jake n'y tenant plus, donna un coup de bassin pour faire perdre l'équilibre à son assaillante et profita du mouvement, et de sa force pour la faire basculer sous lui. Avec un sourire plus que victorieux, il posa ses mains sur ses poignets délicats. Il n'appuya pas, ne mit pas de force. L'emprisonnement était symbolique. Il avança légèrement sa tête et la nargua :
- Je suis impressionné par cette vengeance des plus inattendues, mais il faut admettre ta défaite ma jolie.
Sauf que voilà, ses yeux eurent le malheur de se perdre dans ceux de la jeune fille, et son sourire retomba légèrement. Une certaine tension s'installa.
Je ne pensais pas que ça serait si efficace. C'est une agréable surprise de voir que ma vengeance marche si bien ! Sauf qu'il arrive à reprendre le dessus, au sens littéral du terme, et me voilà vaincue. La rapidité et l'enchaînement inattendu me fait rire et je n'arrête que quand il reprend la parole. Comme un coup de massue, la situation me frappe de plein fouet et je peux pas faire autrement que le regarder droit dans les yeux. Il y a de la tension dans l'air, du genre que je n'avais pas senti depuis un bout de temps.
J'ai soudainement envie de profiter de la situation et de suivre mon envie. Alors sans pouvoir rien contrôler, je relève un peu la tête et plaque mes lèvres sur les siennes pour l'embrasser avec fougue.
Il s'y attendait. Il en avait envie. Il utilisait ses derniers soupçons de lucidité pour ne pas craquer. Cependant, les lèvres d'Olivia vinrent rencontrer les siennes et toute raison vola en éclat. Il répondit à son baiser, passionnément. Il passa l'une de ses mains dernières la tête de la jeune femme pour éviter qu'elle ne se fasse mal, par réflexe.
La pression qu'il exerçait sur ses lèvres l'invita à s'allonger à nouveau. Il n'était pas prêt à rompre cet échange. Il ne se posait aucune question. Il vint passer sa langue sur les lèvres douces d'Olivia, puis le ballet commença.
Seulement voilà, toutes les bonnes choses ont une fin et une sonnerie de téléphone les ramena à la réalité. Si son premier réflexe avait été de grogner légèrement de mécontentement, il se rendit soudain compte de ce qu'il était en train de faire et se redressa. Il se retrouva de nouveau assis, en tailleur et sortit le téléphone de sa poche.
- Pas le mien.
Mais il continua de fixer l'écran, inexorablement.
Je me perds dans les nouvelles sensations qui m’assaillent. Si ce n’est pas une nouveauté pour moi, ça l’est pour le corps d’Olivia et ça me fait perdre toute cohérence. J’ai envie de plus. Pour la première fois dans cette nouvelle vie, je ne me pose même pas la question de si je suis prête ou pas, je ne me pose pas de questions du tout d’ailleurs.
J’allais poser mes mains dans son dos quand une sonnerie de téléphone se fait entendre. Il ne faut pas longtemps pour que je redescende de mon nuage et revienne à la réalité. Il semblerait que Jake aussi d’ailleurs. Je sais qu’il est inutile qu’il regarde son téléphone parce que j’ai reconnu ma propre sonnerie.
Avec un soupir, je me redresse à mon tour et bouge vers le bord du lit pour récupérer mon téléphone qui continue de sonner sur la table basse. La photo de l’appelant me fait grimacer et je pense à ne pas répondre. Néanmoins, je sais que si je ne le fais pas, il va me rappeler.
J’en ai pour deux secondes.
Je me relève complètement et m’éloigne un peu pour décrocher en disant un “allo” fatigué, imitant la voix que j’ai au réveil. Il ne tarde pas à s’excuser de me réveiller et je lui demande de me rappeler demain. On continue notre conversation quelques secondes et pendant tout ce temps, je jette un coup d'œil à Jake, voir si il ne prend pas la fuite ou autre. L’appel se finit et je viens me rasseoir à ma place.
Désolée.
J’éteins carrément mon téléphone et le balance sur la table. La situation est un peu gênante, j’ai encore le souvenir de notre baiser bien en tête mais l’ambiance n’y est plus vraiment.
Tu sais quoi ? Tu m’as jamais répondu quand je t’ai posé la question au bar. Pourquoi les femmes plus âgées ?
Parce que soyons honnête, il ne peut plus me sortir l’excuse qu’il n’est attiré que par elles. Pas avec la façon dont il m’a embrassé et le fait que ça aurait surement continuer si on n’avait pas été interrompu.
La laissant toute à sa conversation, les pensées alcoolisées de Jake oscillaient entre "vis à fond cette nouvelle vie, de toute façon personne ne peut savoir que tu as presque 50 ans et tu es immature" et "t'es un gros dégueulasse de profiter d'une jeune femme qui ne sait pas ton âge". Cependant, lui révéler la réalité était inconcevable. Au mieux, elle le prendrait pour un fou - comme les premiers médecins, ceux à qui il en avait parlé.
D'ailleurs la voilà qui revient, assise sur le canapé. La distance entre eux est plus que respectable désormais et Jake se frotte les yeux d'une main, à l'aide de son pouce et de son index. Il se redressa et lui fit un sourire lorsqu'elle s'excusa. C'est moi qui devrait m'excuser honteusement, mais sans pouvoir lui expliquer je lui manquerai de respect. Il préférait occulter de ses pensées le fait qu'il avait perdu les pédales pour la première fois et s'intéressait à une femme beaucoup trop jeune, bien que majeur.
Il soupira à sa question, bien que légitime. Il ne pouvait pas lui donner la vraie raison, mais il pouvait lui faire comprendre le pourquoi, de manière détournée. Malgré l'alcool, il se lança donc dans une explication plausible et cohérente avec sa réalité :
- Je… Je me sens en décalage avec les gens de mon âge. Surtout les filles. J'ai l'impression d'être beaucoup plus vieux. C'est malaisant pour moi, de fréquenter des jeunes, avec des problématiques de jeunes alors que je suis déjà en train d'essayer de faire vivre mon foyer, comme un père. Je dois bosser depuis longtemps pour ma famille. J'ai peu de temps pour une vraie relation. Les femmes plus âgées… Je me sens plus proche de leurs préoccupations et de leurs besoins. Elles n'attendent pas de moi le prince charmant et son terre à terre. Elles sont matures, et n'ont plus ce filtre de jeune fille devant les yeux. Je me sens moins en décalage, plus honnête. Je n'ai pas l'impression d'abuser d'elles.
Je l’écoute avec attention, j’ai finalement la réponse que j’attendais. Et… je comprends totalement ce qu’il veut dire. J’ai exactement le même problème avec les hommes, je comprends aussi le fait qu’il doive travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Cependant, c’est bien le cas de plein de personnes de notre âge. Les gens qui sont partis de chez eux ou qui sont déjà mariés avec des enfants. Ce n’est pas si rare que ça à notre époque. Surtout avec les mœurs libérées où on n’est plus obligé d’être marié pour quitter le cocon familial. Par contre, la fin m’énerve un peu.
Par contre, ça ne te dérange pas qu’elles abusent de toi ?
Je lâche un soupir agacé avant de reprendre sans lui laisser le temps de répondre:
Je comprends ce que tu veux dire, moi aussi je me sens en décalage avec les autres. Je n’ai pas les mêmes attentes que les autres de notre âge. J’ai des responsabilités aussi, même si j’en parle pas. C’est un peu hm.. réducteur de mettre tout le monde dans le même panier tu ne penses pas ? Regarde, on a l’air d’avoir les mêmes attentes et les mêmes valeurs.
Sans le vouloir, je repense à mon coup de téléphone d’il y a cinq minutes et ça me fait rire un peu.
Si tu trouves les filles de notre tranche d’âge trop jeune dans leurs têtes… bah moi je trouve les hommes dans la vingtaine bien trop immatures ! Même dans la trentaine d’ailleurs. Je crois que c’est compliqué dans ma tête !
Je tends la main pour lui tapoter le genou en ajoutant:
Quant à savoir si tu abuses des gens, il suffit de leur demander. Personnellement, je ne trouve pas que tu abuses. Du moment que tout le monde est consentant, où est le problème?
Abuser de moi ? Il ne comprenait pas où elle voulait en venir. Ils étaient tous consentants. Et puis, il était bien plus âgé qu’elles, au final. Cependant ça, il ne pouvait pas l’avouer à la jolie Olivia. Elle ne lui laissa heureusement pas le temps de creuser sa propre tombe, et enchaîna. Il se retint de soupirer lorsqu’elle sembla mentionner qu’il était réducteur. Bien sûr, elle ne pouvait pas comprendre le fond du problème.
Dix ans d’écarts d’âge étaient acceptables mais vingt ? C’était une autre histoire ! Enfin, pour sa part lorsqu’il avait 20 ans, toutes les femmes qu’il pouvait rencontrer dans cette vie n’étaient pas née. Les choses étaient biaisées depuis le début, même s’il essayait de conserver une certaine éthique. Les paroles d’Olivia et l’alcool le rendaient flous. Il ne savait plus où il en était, pourquoi il s’infligeait tout ça. Devait-il se fermer à des relations normales pour des souvenirs qui s’estompaient d’années en années ? Puisqu’il n’était pas de nature mature, ne pouvait-il pas vivre normalement l’âge de son corps ? Etait-il vraiment un “vieux” ?
Il repensa aux films sur les vampires. Une ado de 17 ans et un vampire de 17 ans depuis longtemps n’avait choqué personne. Qu’en était-il de lui ? Si les gens apprenaient la vérité, que penseraient-ils d’un tel couple ? Il se prenait beaucoup trop la tête, tout simplement.
Il posa machinalement sa main sur celle d’Olivia, interrompant son tapotage. Comment lui expliquer le problème ? Le problème était pourtant “simple”, si elle ne connaissait pas son âge, il mentait. L’abus pouvait venir d’un mensonge. Il poussa un profond soupir.
- Je ne sais pas trop.
Ses doigts vinrent s’entremêler à ceux de la jeune femme.
- C’est compliqué aussi, dans ma tête, avoua-t-il avec un sourire un peu triste.
Il sauta du coq à l’âne, et ajouta :
- Tu penses quoi des couples avec un grand écart d’âge, par exemple ? Je veux dire, plus de dix ou quinze ans, admettons.
On dirait que j’ai réussi à le faire douter. Ce n’était pas vraiment le but. Enfin si. Je ne sais plus trop ce que je voulais faire. Je crois que c’est surtout de voir quelqu’un qui gâche sa vie à s’enfermer dans une seule optique qui m’agace. Autrefois je l’aurais laissé tranquille mais maintenant, j’ai appris que la vie était trop courte pour se borner et éviter de suivre ses envies. Mon regard se pose sur nos mains désormais entremêlées. Je ne sais pas trop quoi répondre à sa question de prime abord puis, la réponse me vient toute seule. Je le regarde de nouveau avant de répondre.
Ça ne me choque pas et pour être parfaitement honnête, ça m’est déjà arrivé d’avoir une relation avec quelqu’un qui avait dix ans de plus. On dit que l’amour n’a pas d’âge et je suis bien d’accord. Y a pas que l’amour d’ailleurs. Je pense qu’il ne faut pas se formaliser sur les chiffres. Ce qui est important, c’est ce qu’on ressent au fond de soi et ne pas hésiter à foncer. Mieux vaut vivre avec des remords que des regrets.
Ses paroles firent écho à son passé. Edith et lui avaient en effet un écart d’âge conséquent, mais à l’époque, c’était normalisé. De plus, ils n’étaient pas réellement un couple, un couple amoureux, même s’il le regrettait aujourd’hui. N’allait-il pas regretter des choses dans cette nouvelle vie, de la même manière qu’il ne parvenait à se détacher de son ancienne ? Quelle place laissait-il avec le spectre d’Edith qui ne quittait ses pensées ?
Et outre cela, que signifiait leur baiser ? Une pulsion de deux jeunes bourrés ? Le début d’une potentielle relation ? Olivia et lui n’étaient pas de la même classe sociale. Il devrait lui mentir sur lui-même Elle méritait bien mieux qu’une vieille âme torturée, il en était certain. L’aimait-il ? Il ne s’était jamais posé la question. A ses côtés, il se rappelait énormément Edith. Ou plutôt, la jeune femme avait énormément de points communs avec son épouse décédée. L'appréciait-il pour ça ? Ou pour elle-même ? Il s'ébouriffa de nouveau les cheveux de la main libre.
- C’est difficile d’aller de l’avant quand on a déjà beaucoup de regrets.
Il tourna vers la tête vers Olivia, créant enfin de nouveau un contact visuel entre eux depuis le baiser, et ajouta :
- Et qu’est ce que la belle Olivia Duval ressent au fond d'elle-même ?
Oui c’est difficile d’aller de l’avant quand on a beaucoup de regrets. Je le sais très bien. C’est long, c’est éprouvant et il faut savoir vivre avec sa culpabilité. Sa question me prend au dépourvu. Je ne pensais pas qu’il me la poserait.
Elle pense qu’elle est bien en ce moment, ce qui n’était pas arrivé depuis un très très long moment. Des dizaines d’années même. Et que c’est dommage que le téléphone se soit mit à sonner parce que j’aurais bien continuer. Je commence à me dire aussi que je suis presque contente que ma voiture soit tombée en panne et que c’est toi qui soit venu à ma rescousse.
Je dis en souriant doucement, qui aurait cru que je sortirais des propos pareil ? Pourtant, c’est la vérité. Pas seulement pour ses sensations de déjà-vu ou de familiarité ou encore qu’il me rappelle très souvent Jack. Je suis juste bien pour une fois. Je n’ai pas besoin de faire semblant de l’apprécier comme avec les autres, ça vient naturellement malgré toutes nos différences. Je n’arrive pas l’expliquer mais c’est comme ça.
Ses paroles lui firent l’effet d’une bombe. Les battements de son cœur s’accélèraient. Lui aussi, il se sentait bien - bien que la culpabilité entachait les sentiments positifs qu’il éprouvait aux côtés d’Olivia. Il ne put s’empêcher de sourire lorsqu’elle mentionna la panne de sa voiture. Tout était parti de là, finalement. Il y a peu de temps. Pouvait-il s’attacher à quelqu’un ? Aussi vite ? Avec Edith, ils avaient été ensemble longtemps, mais il avait été complètement dans le déni de ses sentiments.
Laisser une chance à Olivia, c’était finalement prendre le risque : de se faire tromper, de la perdre dans des circonstances horribles. Peu importe ce qui était en train de naître entre eux, quels regrets leur resteraient-ils à la fin ? Mais s’ils ne se laissaient aucune chance, quels remords aurait-il alors ?
Lentement, pour laisser le temps à Olivia de le stopper, il se pencha vers elle et remit une mèche en place derrière son oreille. Il posa ensuite son front contre le sien, attendit de courtes secondes avant de partir à la conquête de ses lèvres à nouveau. Un baiser bien moins fougueux, plutôt chaste. Il voulait lui laisser le temps de tout arrêter, si elle le souhaitait.
