Bonded by blood
avec Aaron Scott
Si y’a bien un truc que j’supporte pas, c’est ces foutus étudiants qui regardent pas autour d’eux. Y’a un panneau comme quoi la photocopieuse est HS mais non, ils remettent leurs rapport de stage ou j’sais pas quoi dedans et ils s’acharnent. Résultat, qui c’est qui doit venir s’en occuper ? Le baltringue de service.
J’soupire en allant dans la bibliothèque côté étudiants, c’est bien el genre d’endroit ou je mettais jamais les pieds quand j’étais à leur place. Enfin, sauf pour rouler un patin à la première de la classe pour qu’elle me refile son devoir, ou pour traficoter avec d’autres entre deux étagères.
Je laisse ma desserte avec la caisse à outils entre l’étagère et la photocopieuse, dans le champ de vision de la bibliothécaire histoire d’avoir une victime à engueuler si quelqu’un approche quand j’ai le dos tourné, puis touche à la machine pour voir d'où vient le problème. j’ouvre la bête pour retirer le papier qui est en “bourrage” et le file à l’étudiant qui attend à côté :
Tu peux te barrer, ça prendra pas deux secondes.
Il fait demi-tour en râlant comme quoi il a des délais pour rendre son truc, mais j’en ai rien à carrer. A la place, j’reviens à ma caisse chercher de quoi démonter l’alimentation en papier, quand on m'agrippe la cheville de l'autre côté.
Mais qu’est ce qu’il fout celui-là ?
Je marmonne plus pour moi-même qu’autre chose, jusqu’à ce qu’il relève vite fait la tête pour me dire qu’il a paumé ses lunettes. Mais quand je vois sa tronche, j’ai un gros blackout. Genre l’effet d’une claque dans la figure. Ca peut pas… Non, j’dois avoir mal vu, j’vois pas ce qu’il foutrait ici et en même temps… Je bouge plus et je l’observe, mais vu qu'il est accroupi, j’peux pas trop le dévisager. le gars se coupe en passant la main sous l’étagère et ça m’fait soupirer.
Fais gaffe, tu vas finir charcuté si ça continue. Pousse-toi, j’vais regarder.
Je regarde autour de moi avant de me baisser, rien aux alentours, alors ça doit être par là. Mais une fois baissé, j’lui fait face et... J’suis complètement pétrifié. C’est lui et y’a aucun doute là dessus. Le seul truc qui aurait pu me faire douter, c’est le style qu’il se coltine maintenant mais cette gueule d'ange torturé, j'la reconnaitrait entre mille. Je rêve pas, j’ai mon p'tit frère devant moi. Un fantôme que j’pensais pas revoir un jour et qui me glace le sang.
La bouche sèche d’un coup, je me penche vite fait et passe la main avec précaution sous les deux étagères. Je m’arrête quand mes doigts touchent une forme bien particulière. Tout ce que j’ai envie de faire, c’est de le laisser se démerder et me casser d’ici avec ses foutues lunettes que j’viens de retrouver, ou les refiler à la bibliothécaire en passant pour avoir le temps de me tirer. Il a jamais été foutu de les retrouver tout seul de toute façon.