Breaking dawn

Pourquoi il pleut sérieux ? Ça m'oblige à prendre le bus. J'aime pas le bus. C'est souvent bondé et vous savez ce que les gens font quand ils ont rien à faire ? Ils pensent bien fort pour des conneries et souvent pour commenter ce qu'ils voient ou d'autres trucs tout aussi inintéressant. Bref, c'est chiant et ça me donne mal à la tête.

C'est décidé, je vais passer mon permis. Je vais économiser et peut-être faire les démarches pour avoir mon permis à un euro par jour avec la banque. Je dois remplir les critères non ? Je ne roule pas sur l'or, je vis seule... bref aucune raison qu'ils me le refusent. En plus, c'est la dernière année que je peux le faire vu que je viens d'avoir vingt-cinq ans. Allez, c'est décidé, je rentre à la maison et j'appelle la banque pour un rendez-vous.

Le bus ne va pas tarder à arriver alors je presse le pas pour ne pas le rater. Il est b-l-i-n-d-e-r. Je paie le ticket et avance un peu dans le bus. Il y a du monde alors je dois un peu me faufiler entre les gens pour arriver à une place libre devant une barre où m'accrocher. Je me tourne un peu pour regarder l'avant du bus et j'entends un rire qui me donne une impression familière. Non, je dois me tromper, je ne connais personne dans cette ville à part mes parents, ma sœur et quelques personnes.

Le bus démarre et je me tourne un peu vers l'avant pour être dans le sens de la marche. Tout se passait bien jusqu'à ce que j'aperçoive une personne familière... trop familière... ce n'est pas possible. Choquée, je ne bouge pas et la regarde approcher difficilement, elle n'est qu'à un pas de moi mais ne m'a pas remarquer encore. Puis, tout s'enchaine très vite: le bus freine un bon coup et alors que je perdais un peu mon équilibre, je vois Julianna basculer. Sans réfléchir, je l'attrape par le bras et l'empêche de tomber en utilisant mon pouvoir pour stopper sa chute, comme un vulgaire objet qui tomberait par terre, il suffit d'inverser la course pour la redresser. De l'extérieur, elle doit avoir eu l'air d'avoir trouver son équilibre au dernier moment grâce à mon soutien. En réalité, si je n'avais pas fait ça, elle m'aurait entrainer dans sa chute et je lui serais littéralement tomber dessus.


Ouais c'est très con comme question, on est dans un bus. C'est juste logique qu'elle soit là mais laissez moi le temps de me remettre de mes émotions s'il vous plait.

Elle est étonnée et moi donc. Je ne m'attendais pas à la croiser, à lui parler comme ça. Elle ne le sait pas mais moi, je l'ai déjà revue, de nombreuses fois même. Je l'ai toujours observer de loin sans jamais m'approcher ou entrer en contact avec elle. Parfois je changeais mon apparence légèrement pour la voir avec un sort temporaire et passer inaperçue. Ma couleur de cheveux est trop remarquable et pas très discrète alors pour m'éviter une teinture, c'est plus facile de lancer un sort.

J'ai bien conscience que c'est égoïste mais je n'ai jamais pu m'en empêcher, il fallait que je m'assure qu'elle allait bien, qu'elle était heureuse, même sans moi dans sa vie.

La voir en face de moi comme ça, ça me donne envie de fuir loin, très loin pour effacer ces sentiments qui commencent à m'envahir, la peur en tête et de loin. Est-ce qu'elle m'en veut? Est-ce qu'elle me déteste ? Si ça tombe, elle va me dire qu'elle ne veut plus me voir.

Sauf que... Elle se mets à pleurer puis elle se jette dans mes bras et me sert contre elle à m'étouffer. Surprise, je ne réagis pas toute de suite. Il me faut quelques secondes pour passer mon bras libre dans son dos et lui rendre son étreinte. Moi aussi j'ai envie de pleurer. Je ne sais pas pourquoi mais l'avoir contre moi comme ça, ça me rassure, me soulage, me fait me sentir aimée et c'est une sensation que je n'ai plus éprouvé depuis longtemps. Je respire un bon coup pour essayer de réprimer mon envie de pleurer et dire d'une petite voix.


Je me retiens de dire que je l'ai déjà sauvée de se planter en beauté et que je n'ai pas spécialement envie de faire une rencontre malencontreuse avec le sol.


Je m'en fous un peu de ce qu'ils pensent mais c'est une excuse pour m'éloigner un peu. Croyez moi je compte bien descendre de ce bus le plus vite possible.

Pourquoi ça me fait autant d'effet ? Pourquoi les gens ils sont en train de nous regarder avec autant de tendresse et de compassion ? Pourquoi la vieille elle pleure là ? Je comprends plus rien, mon esprit est saturé par des émotions contraires et je n'arrive pas à faire le point. Julianna n'avait pas vraiment besoin de me dire qu'elle est contente de me voir, je le sens bien. Je suis aussi contente qu'elle, vraiment. Je veux juste me barrer avant que sa joie passe et qu'elle me dise qu'elle me déteste pour l'avoir laisser tomber.

Elle me lâche et s'écarte un peu. J'ai l'impression qu'elle est encore plus émotive qu'avant ou alors c'est parce que je ne lui ai plus parler depuis longtemps. Observer de loin et l'avoir en face de moi, ce n'est pas vraiment la même chose. Je suis un peu paralysée de voir son visage si mature. Je ne sais pas pourquoi mais malgré le temps qui passe, je garde toujours la vision de son visage aux joues un peu rebondies et sa petite voix de gamine. Et ses yeux emplis d'émerveillement en me regardant. Au moins, si son visage n'est plus trop pareil, ses yeux n'ont pas changer.

Avant que je puisse reculer pour m'enfuir, elle me saisit les mains. Oh non. Je le sens mal. Je me campe bien sur mes jambes au cas où le chauffeur du bus aurait envie de freiner d'un coup comme un cinglé et la regarde avec appréhension. Je n'ai pas envie de répondre à sa question. Je me sens étrangement rassurée par son attitude mais si je réponds, elle va m'en vouloir. Ça aurait peut-être été plus facile si j'avais quitter la ville mais je n'ai jamais été assez courageuse pour le faire.


Je n'ose pas trop la regarder, je ne veux pas voir la déception qu'elle va éprouver en réalisant ce que ça veut dire.


Et merde pourquoi j'ai dit ça? Je me déteste, ce n'est pas ça qui va arranger mon cas.

Je ne me reconnais pas alors que je fais tout pour éviter son regard. Je n'aime pas l'impression d'être une lâche qui fuit mais c'est plus fort que moi. Et pourtant, je n'arrive pas à me défaire de son emprise sur mes mains. C'est ridicule, si je voulais, je pourrais reculer et tourner les talons mais j'en suis incapable.

Le bus s'arrête et je sors de ma transe pour pivoter dans la direction de la sortie sauf que Julianna se mets juste devant moi pour me bloquer le passage. Si je veux passer, il faut que je la pousse et je ne peux pas faire ça. Elle ne m'a toujours pas lâché les mains et alors que je la regarde avec les sourcils légèrement froncés, elle déclare qu'elle veut me dire quelque chose à moi et moi seule. Quoi ? De quoi elle parle ? Qu'est-ce qu'elle pourrait d'avoir de si important à dire ? Pourquoi pas quelqu'un d'autre ? Nos parents ou une amie ?

Une idée folle me traverse l'esprit mais c'est impossible. Je suis partagée entre l'effroi et l'espoir. L'espoir fou qu'elle pourrait être comme moi finalement et la peur que ça soit effectivement ça.


Je meurs d'envie de savoir. Elle se souvient un peu trop bien de ma personnalité, je ne peux pas résister à un mystère qui se présente devant moi. En jouant sur ma curiosité, elle m'a piéger. Je me suis faite avoir comme une débutante, je ne peux pas fuir sans savoir, je sais que ça me bouffera de l'intérieur de rester dans le noir, surtout si ça la concerne.

Même si on mets de côté ma curiosité, j'ai l'impression de nouveau de ressentir quelque chose d'étrange, comme si j'étais en connexion directe avec ce qu'elle ressent. Son amour, son envie d'être là pour moi et autre chose que je n'arrive pas à identifier. C'est même plus puissant que le fait de pouvoir entendre ses pensées en direct.


Je doute qu'elle veuille en parler dans le bus où c'est bondé de monde mais je veux être sûre qu'elle ne dit pas ça à la légère pour m'empêcher de partir. Au fond de moi, je sens bien que c'est important sinon elle n'agirait pas de la sorte. A moins qu'elle ait complétement changer ?

Pourquoi elle s'interrompt ? Pourquoi elle a peur que je la rejette ? Si quelqu'un doit avoir peur de ça ici, c'est moi. Elle ne sait pas ce que j'ai fait quand je suis partie de chez nos parents ou plutôt quand ils m'ont foutu à la porte.  Je me demande quelle version de l'histoire ils lui ont servi ? Je sens l'angoisse m'envahir. Un sentiment différent que toute à l'heure. Je me sentais mal déjà mais là, c'est un malaise persistant et dérangeant qui n'a rien à voir avec mes interrogations du moment. Plus je regarde Julianna, plus je me pose des questions mais bien vite, mon regard est attiré par le reste du bus. Tous le monde a l'air mal à l'aise, ce n'est pas que moi. Je la regarde à nouveau et je vois bien qu'elle est paumée...


Je veux pas lui donner mon adresse ou lui donner un indice de là où je vis. Ce n'est pas que je n'ai pas envie qu'elle me rende visite, c'est que je ne veux pas qu'on fasse le lien entre elle et moi. On se ressemble déjà trop comme ça, pas besoin d'en rajouter.

Le bus ralentit de plus en plus et je prends une décision que je vais surement regretter. Je pivote et la  tire à ma suite vers la sortie pour descendre du bus dès qu'il a ouvert ses portes. Il pleut encore mais on est les seules à descendre ici. Je garde la main de Julianna dans la mienne en continuant ma route jusqu'à la protection de l'abri de bus.


Tu parles d'une sœur, m'en voilà arrivée aux menaces. Je ne compte pas vraiment le faire mais elle ne le sait pas et je compte là-dessus pour lui faire cracher le morceau.

La blesser, ça me blesse aussi mais je n'en laisse rien paraitre. C'est le seul moyen que je connais pour la forcer à me dire ce qui la tracasse. Et là, elle ouvre enfin la bouche pour me le dire. Elle ne vient pas de dire ça. Elle ne peut pas avoir dit ça. Non, ce n'est pas possible. Je ne veux pas entendre. Je suis en plein cauchemar.

"C'est comme si mes sentiments ou mes émotions entrent en résonance avec d'autres personnes."

J'y crois pas. Pourtant ça explique tout. Tout ce qu'il s'est passé dans le bus, ces émotions qui ne sont pas les miennes que j'ai ressentis. Alors que je suis figée d'horreur, elle continue en disant que je n'ai plus à m'en faire parce qu'on peut affronter ça ensemble ? J'entends bien ce qu'elle dit mais je n'arrive pas à assimiler tout. Ce n'est pas possible. Je recule d'un pas et libère ma main par la même occasion, je lève les mains et me cache le visage avec.


Ma voix est complétement paumée, je glisse mes mains jusqu'à mes cheveux, je les agrippe et continue:


J'ai envie de m'arracher les cheveux et je ressens ce picotement dans les jambes, celui que je ressens quand je veux m'enfuir mais je ne peux pas m'enfuir et je ne peux pas continuer à la fixer complétement horrifiée et paniquée. Les vitres de l'abri de bus commencent à trembler légèrement. C'est mauvais, très mauvais. Respire Elena, respire.

Je laisse tomber mes mains le long de mon corps et ferme les yeux. Je prends quelques inspirations avant de rouvrir les yeux et la regarder avec un visage complétement neutre.


Je lutte pour garder une voix égale alors que je sens un pincement dans ma poitrine.


J'ai l'impression de lui sortir une réplique d'une scène de rupture, c'est horrible.


Ces derniers mots ont du mal à sortir mais je continue quand même en serrant les poings:

Je sursaute un peu quand elle s'énerve. Elle vient d'hausser le ton ? Je suis trop stupéfaite pour réagir, je m'attendais qu'elle accepte et passe à autre chose pas qu'elle fasse ça. Pourtant j'aurais dû m'y attendre, c'est ma petite sœur, elle a de qui tenir... Elle ne comprends pas pourquoi c'est dangereux de rester à mes côtés, elle ne comprends pas que je suis trop impulsive et que ça rends mon pouvoir dangereux, je pourrais la blesser physiquement sans le vouloir.

Les yeux écarquillés de surprise, je la regarde craquer littéralement. Ses mots me transpercent le cœur et je commence à avoir du mal à respirer. C'est trop... juste trop.  Elle saisit ma veste avant de s’effondrer à genoux par terre en pleurant. Je ne sais pas quoi faire alors la seule qui me vient en tête, c'est de m'agenouiller aussi et de la prendre dans mes bras. Je la sers fort contre moi en lui caressant les cheveux.  


J'essaie de garder une voix rassurante malgré que moi aussi je me sois mise à pleurer.


Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire pour la rassurer. Je sais qu'elle est terrifiée, terrifiée de subir le même sort que moi, terrifiée par ses pouvoirs qu'elle ne doit surement pas maitriser, terrifiée d'être seule. Elle n'a jamais eu à être seule, elle avait le privilège d'avoir tout l'amour de nos parents, d'avoir des amis, de voir sa famille étendue alors je la comprends, j'aurais les mêmes craintes à sa place. Sauf que... je ne sais pas ce qu'elle attends de moi, je ne peux pas l'aider, j'arrive à peine à m'en sortir moi-même, comment je pourrais l'aider ? La seule chose que je peux faire, c'est de la mettre en contact avec d'autres sorciers qui pourront vraiment l'aider. Moi, je suis inutile, je sers à rien à part la faire souffrir.

Elle me brise le cœur à pleurer comme ça. Je crois que ça fait longtemps que je n'avais pas pleurer non plus. Ça doit remonter à quand j'étais ado quand j'ai gouté à un peu liberté et qu'on me l'a enlever avant que je ne puisse en profiter. Ma pauvre petite sœur... elle n'a vraiment pas de chance. Je le savais que ça risquait d'arriver, le moment où ses pouvoirs se réveilleraient, j'espérais juste que ça n'arrive jamais parce que ça veut dire qu'elle est en danger elle aussi. Être enfermée dans une maison ce n'est rien à côté de la terreur de se faire attraper et tuer par des chasseurs. J'ai entendu des histoires horribles à leur sujet, assez pour me faire flipper et devenir paranoïaque sur certains sujets. Je peux les voir venir, Julianna non. C'est en partie pour ça que je l'évite tant que je peux, c'est pour ça que je suis terrifiée par ce qu'elle vient de m'avouer.

Cependant, je me tais et me contente de la serrer un peu plus fort contre moi le temps qu'elle se calme. Ça ne sert à rien de la terrifier davantage. On reste comme ça un moment avant que ses larmes ne se tarissent et qu'elle se redresse. Je la lâche pour essuyer mes joues aussi:


Même si il n'y a personne autour de nous, je vérifie quand même en scrutant les alentours. Je regarde à nouveau Julianna quand elle reprends la parole. Chercher ensemble ? C'est un beau rêve qu'elle avait, je la reconnais bien là. Je m'en veux déjà de devoir lui casser ses espoirs quand je lui dirais que ça fait longtemps que je sais maitriser mes pouvoirs, que je sais déjà qu'on avait bien des ancêtres sorcières et qu'on possède effectivement un héritage bien caché dans le grenier de notre maison. J'ai toujours eu pour ambition de retourner chez nos parents pour réclamer cet héritage mais je n'ai jamais trouvé le courage de le faire.

Je me relève en même temps qu'elle et attends qu'elle ait fini de parler pour prendre la parole à mon tour.


Je me mords la lèvre pour arrêter de parler. Ça fait tellement longtemps que je veux parler de ça avec quelqu'un ! Sauf que je ne peux faire confiance à personne alors j'ai toujours tout garder pour moi, même des personnes qui m'ont aidés et m'ont mit sur la voie des réponses que je cherchais. Une partie de moi meurt d'envie de lui faire part de tout pour lui épargner les heures de recherches et de fausses joies mais l'autre partie est encore terrifiée par tout le reste.


Ce n'est pas une bonne idée de lui donner de l'espoir de la sorte mais je ne peux pas la laisser comme ça, elle est tellement fragile, j'ai peur que si je lui tourne le dos maintenant, elle ne soit brisée à jamais et je ne peux pas lui faire ça. Pas à elle. Je peux détruire n'importe qui si je le veux mais pas la seule personne que j'aime plus que tout.