En ce début de journée un peu grisonnante, la routine s’imposa d’elle-même. D’abord, je fis un tour à la chapelle du château, l’époussetant, allumant quelques cierges, et les chandeliers pour bien éclairer, accompagnant les personne qui vinrent se recueillir un peu avant de s’affairer à leur tout à la vie du château. Une fois l’endroit bien entretenu et n’ayant plus vraiment personne, je me promenai un peu dans la cour en attendant ma séance d’auscultation du roi. Je songeai à aller voir les chevalier s’entraîner, mais je dois avouer que j’évite un peu ma soeur. Je sais qu’elle est super en rogne depuis l’expédition où elle a appris que j’avais offert mon coeur à Deeryn. D’ailleurs, je me demande pourquoi elle l’a autant à la mauvaise. Il n’est peut-être pas tou blanc, mais je ne l’ai jamais vu faire des choses foncièrement mauvaises….
Bref, après ma promenade, je pris la direction du château et me rendis dans les quartiers privés de la famille royale. Je fis un examen rapide de chacun des membres présents et ayant constaté leur bonne santé, je retournai un peu dans la chapelle avant de me diriger vers les chevaliers qui terminaient bientôt leur entraînement avant le repas du midi. Je soignai rapidement les recrues ayant reçu quelques coups ainsi que quelques chevaliers s’étant entraînés entre eux avec un peu trop de ferveur puis je retournai à mes appartements pour manger un peu.
Après le repas, les nuages grisonnant avaient laissé place au ciel bleu avec quelques petits nuages dodus et tout blanc. N’ayant rien de prévu pour l’après-midi, je choisis de partir en balade. J’allai emprunter un cheval, Hiaka, avec qui je commençait à avoir l’habitude de me promener. Je pris la route en direction d’Endroberg. Je n’avais pas spécialement l’intention de m’y rendre, mais j’aimais la route et les plaines, paysage familier qui me rendait nostalgique à chaque fois. Je m’arrêtai après une bonne heure pour me reposer les jambes et m’installer près des arbres. J’attachai les sangles de mon cheval à un arbre en lui laissant le plus de lousse possible pour qu’elle puisse brouter à sa guise et je m’allongeait à l'ombre de l’arbre juste à côté. Une petite sieste ne serait pas de refus.
Je fermai les yeux et profitai de la brise caressant mon corps. Je ne m’assoupit pas vraiment, écoutant plutôt la nature chanter. Après un bon moment, je m’étirai et me relevai dans le but de continuer ma promenade, mais cette fois à pied en trainant Hiaka à mes côtés. On se promenait cette plutôt dans la nature que sur le sentier. Au bout d’un moment, je voulu me saisir de ma gourde pour me désaltérer et je réalisai que la bourse qui devait se trouver juste à côté n’y était plus. C’était une toute petite pochette donc la corde semblait avoir laché. Cependant, ce qui se trouve à l’intérieur a énormément d’importance pour moi. C’est un bracelet que m’avait offert ma soeur lorsqu’on était toute jeunes. Il ne me faisait plus maintenant, mais je le conserve ainsi près de moi dès que possible. Je me dois de le retrouver. Où l’aurais-je perdue? Il fau en plus qu’elle soit d’un tissus vert forêt…
Je commence donc à faire le chemin inverse en fouillant dans l’herbe et les bosquet, visiblement contrariée de ne pas retrouver mon petit trésor.
La journée s'était passée en livraisons. Jezabel avait accumulé sur les derniers jours assez de matériaux pour justifier le déplacement jusqu'à la ville de Vardenberg, qui lui prenait la journée au moins. Pour peu que le temps ne s'y prête pas, il lui fallait même passer la nuit à l'auberge. Il lui fallait compter ce coût supplémentaire dans le calcul de ses recettes pour justifier le voyage, bien que parfois certains clients la logent chez eux pour remerciement de ses approvisionnements.
Elle était partie bien avant l'aube, son bissac lourdement chargé reposant sur son épaule au bout de son bâton de marche, rempli de coraux, de perles et de coquillages. Afin de dissuader l'éventuel brigand, elle portait à la ceinture une longue dague au côté de son couteau utilitaire, mais elle n'était là que pour l'effet. Jezabel jugeait sa vie plus précieuse que ses marchandises, et elle avait déjà sans vergogne prit la fuite en abandonnant son bissac derrière elle. Elle songeait qu'acquérir un âne ou une mule lui faciliterait sans doute les choses, mais outre le coût de l'animal, sa maison sur pilotis en rendait la possession peu pratique, à moins de créer une extension pour l'accueillir au-dessus des flots. Sans quoi il lui faudrait le laisser à terre pour la nuit, sans surveillance, ce qui le laisserait à la merci des voleurs et des prédateurs. Et elle doutait de pouvoir s'offrir les services d'un charpentier capable de cela. Donc, elle marchait.
Heureusement, son principal client, un joaillier nain, auquel elle avait proposé ses matériaux en premier, lui avait presque tout acheté à un bon prix. Elle n'avait guère eu que quelques perles de moins bonnes qualités et fragments de coraux à écouler. Un tailleur les avait pris pour décorer certains vêtements, et elle avait ainsi tout vendu avant même que le milieu du jour soit passé. Elle s'était offert un gobelet de cidre et un repas chaud dans une taverne avant de reprendre sa route, espérant atteindre sa barque avant la nuit noire.
Mais alors qu'elle traversait un marché aux bestiaux dans les faubourgs, elle s'arrêta auprès d'un marchand : il vendait à bas prix des chevreaux dont la mère était d'une race laitière. Ce faible prix s'expliquait par le fait que les petits soient issus d'un accouplement indésiré avec un bouc échappé, d'une race robuste mais peu productive. Les chevreaux donneraient donc sans doute des bêtes solides, mais produisant peu de lait. Ce qui pourrait être intéressant pour les mâles à fin d'élevages, mais ôtait toute valeur aux femelles. Sauf pour Jezabel : une chèvre ferait un animal de bât suffisant pour ses marchandises, et facile à installer dans sa maisonnette.
Ce fut ainsi qu'elle quitta la ville la bourse plus maigre que prévu, mais avec une biquette mantelée trottinant dans son sillage, à peine sevrée. Alors qu'elle allait d'un bon pas, coupant à travers les bosquets pour gagner du temps, elle aperçut la double silhouette d'une femme et d'un cheval tenu en bride. Intriguée, et rassurée par la tenue citadine de la femme qui rendait très peu probable qu'elle dépouille les voyageurs, elle resserra sa prise sur la corde de la chèvre et s'approchant. La femme semblait chercher quelque chose sur le sol, et par réflexe, l'hybride se mit à fouiller des yeux les alentours.
"Bonjour, vous avez besoin d'aide ?"
Elle n'aurait pas l'égoïsme de passer son chemin sans au moins proposer son assistance.
