Voilà quelques jours à peine qu'elle avait emménagé dans son appartement. Maeva avait fait un peu le tour du quartier pour avoir une idée des lieux intéressants et c'est avec joie qu'elle avait découvert un café-librairie non loin de chez elle. Se promettant d'y revenir plus tard, elle avait surtout pris le temps de visiter les lieux nécessaire pour son alimentation et son habitation en premier. La dernière boite ouverte, elle se promit une pause bien méritée et retrouva le chemin vers la boutique à livre ouvert.
En chemin, elle se dit qu'elle aurait pu apporter ses livres pour voir si c'était possible d'en laisser sur place, puisque l'endroit avait plus l'apparence d'une bibliothèque que d'une libraire. Ses livres étaient certes dans les grandes bibliothèques de France, mais il y avait peu de chance que dans un petit café reclus ce soit le cas. Enfin, tant pis, au moins, elle pourrait profiter de l’endroit pour écrire un peu. Elle avait un large sac étroit en toile, protégeant de la fine pluie qui tombait son cahier, crayon et effets personnels.
Tirant la porte, elle entra dans un lieu plutôt accueillant. Retirant son capuchon qui cachait sa tête de la pluie, elle avait l'air d'une petite jeune femme dans un manteau trop grand pour elle, une écharpe bleu tournée autour du cou. Ses grands yeux encadrés par ses lunettes se possèdent en pétillant sur les différents endroits de la boutique, ne sachant trop pour le moment où elle devrait se rendre. Aller vers les tables ou plutôt se rendre vers le comptoir?
Elle secoua la tête, ce qui replaça ses cheveux un peu emmêlés par la capuche. Ses longs doigts fins tassèrent les mèches qui étaient restées devant ses lunettes. Il ne semblait pas y avoir de clients à première vue, mais comme elle était en pleine semaine et en fin de journée, ce n'était pas non plus le moment le plus achalandé pour un café. Par contre, elle ne voyait pas non plus d'employés. Étirant le cou, elle tenta de voir un peu plus loin, mais peut-être que la personne était en arrière-boutique.
— Bonjour?
Sa voix claire, un peu hésitante retentit dans la pièce. Elle sembla même un peu surprise. Elle s'avança d'un pas avant d'avoir le regard posé sur le comptoir de pâtisserie et ses yeux s'agrandirent par la surprise et le bonheur de cette découverte. Ce lieu s'annonçait dangereux pour la gourmande qu'elle était. Penchée devant la vitre qui protégeait les montagnes de sucres transformés, elle se redressa rapidement en entendant un mouvement et une voix. Son visage était complètement rouge, comme une enfant qu'on surprenait à faire quelque chose de ma, les bras derrière le dos.
Une nouvelle année commençait, et Michel se sentait plutôt serein. Il s’était bien acclimaté à la vie à Divinadell et était heureux de pouvoir se fondre ici, parmi les humains mais aussi de rencontrer les « Autres ». Il ne s’était jamais imaginé que toutes les créatures de contes et de mythes existaient, en dehors des vampires et il en avait rencontré de toutes sortes. Le vampire se faisant passer pour un jeune homme, il savait qu’il allait pouvoir vivre paisiblement dans son commerce encore longtemps.
La journée était passée à une vitesse folle, surtout depuis qu’il avait ajouté au menu des sandwichs pour le midi. Maintenant que le calme était revenu, il s’occupa de faire un peu de ménage, puis parti vérifier les stocks dans la petite salle qui lui servait de réserve. Il allait devoir bientôt faire une nouvelle commande à ses fournisseurs. Il entendit une petite voix, et termina de noter la quantité de café qu’il allait commander, avant de retourner dans la boutique.
- Bonjour !
Il n’avait jamais rencontré cette personne, il s’en serait souvenu. Il aimait tellement les humains, il aimait tellement les observer qu’il essayait de sympathiser avec tous ses clients. Elle était jolie, mais lui parut bien frêle. Elle semblait trop petite dans son grand manteau. Un charme indiscutable émanait d’elle. Elle ferait une bonne protagoniste de roman. Michel entama la conversation :
- Vous êtes nouvelle en ville ? Il me semble ne jamais vous avoir vu ici.
S'étant rapidement redressée, Maeva avait encore le visage rouge lorsqu'un jeune homme apparu derrière le comptoir du café en l'accueillant. Elle avait toute l'air d'une enfant coupable alors qu'elle n'avait encore touché à rien. Avec un léger sourire un peu gêné, elle réajusta ses lunettes par l'une de ses branches et glissa ses longs doigts délicats derrière son oreille, replaçant quelques mèches qui avaient glissé lorsqu'elle s'était penchée. Elle répéta alors sa salutation, maintenant qu'il devait l'entendre.
— Bonjour...
Elle était un peu intimidée. Un café-librairie, n'était-ce pas un vieux monsieur ou une vieille dame qui s'occuperait de la place? Pourtant, c'était là un jeune homme, peut-être de son âge, mais qui lui apparaissait comme une personne sportive et très active? Son regard n'osait trop le regarder d'abord, et elle se mordit la lèvre inférieure, ne sachant trop par quoi commencée maintenant qu'elle était là. Vendre son livre? Mais peut-être que ce n'était pas la bonne personne à qui s'adresser. Parler qu'elle venait d'arriver? Ou peut-être simplement demander si elle pouvait venir écrire ici de temps à autre? Ou même encore simplement commander? Fort heureusement, alors qu'elle se posait mille et une questions dans sa tête dans cette fraction de seconde, l'homme commença la conversation, ce qui l'obligea d'une part à venir plongé son regard gris nuage dans les yeux bleus de son interlocuteur. Elle eut un nouveau sourire.
— Oui, je viens d'emménager à quelques rues d'ici et comme je passais à l'occasion devant ce café, je me suis promise de venir y faire un tour.
Elle tourna la tête, son regard se posant à nouveau sur les différents éléments de l'endroit.
— C'est vraiment plus joli à l'intérieur que de l'extérieur! Comment ça fonctionne exactement pour les livres?
Elle ramena son regard vers l'homme, la tête légèrement penchée sur le côté, en attente de sa réponse. Tiens, il lui faudrait écrire justement sur une vieille dame propriétaire d'un café dans son prochain roman...
Il avait vu juste. Il s'agissait bien d’une nouvelle arrivante. Elle semblait polie et adorable, le genre de personne qu’il aimait rencontrer pour discuter. Il aimait les humains. Il aimait vivre parmi eux. Il était certes devenu un vampire, et il n’avait aucun souvenir de sa vie en tant que vivant, cependant son seul rêve était d’en redevenir un. Hélas, il avait compris que ce rêve ne pouvait se réaliser. Vivre parmi les humains, vivre comme un humain… Cela lui était suffisant.
La jeune femme s’interessa au fonctionnement du café, ce qui lui fit plaisir. Il montra les étagères de livre, et se lança dans l’explication qu’il donnait actuellement :
- C’est ma collection personnelle. J’adore lire. Mais je trouvais un peu triste le fait que mes livres prennent la poussière chez moi. Chacun est libre de les emprunter, en laissant juste son nom dans le registre.
Son sourire s’élargit, puis il poursuivit :
- On me fait souvent la remarque que les livres risquent d’être volés, mais cela ne me dérange pas. Ils sont destinés à être lus. Tant qu’ils circulent, ce n’est pas important s’ils ne reviennent pas ici.
Et puis, Michel se réapprovisionnait très souvent, achetant de façon inlassable des nouvelles lectures. Heureusement, la vampire qui l’avait recueilli lui avait laissé une coquette somme en “héritage” avant de trouver son repos éternel. De plus, ces dernières années en tant que chirurgien avaient contribué à son confort financier. Il ne se souciait jamais du matériel. Il était conscient de ce luxe dans lequel il vivait, alors il partageait à sa façon.
- Les gens commencent à lire ici, puis l'emmènent chez eux pour le terminer. Quand ils reviennent, souvent ils me le ramènent et en prennent un autre. Souvent, certains viennent aussi pour travailler, ou juste prendre un café en papotant sans se soucier des livres. D’autres viennent pour manger.
Il avait été un peu plus loin que la question initiale, et il espérait ne pas avoir ennuyé son interlocutrice.
