Je ne suis pas sûre qu’il veuille la réponse à sa question. On est bien trop proche des limites à mon goût. Si ça ne me dérangeait pas hier soir, c’était bien le cas aujourd’hui. Je garde donc le silence et ne réponds rien.


Je n’ai pas vraiment mal à la tête mais surtout des brûlures d’estomac et une légère nausée. Si je n’ai pas négligé de boire de l’eau, je n’ai pas mangé. J’ai juste grignoté ce que le barman m’avait donné en partie. Je le regarde une dernière fois et sourit en le voyant déjà endormi. Il faudrait que je l’imite mais pas tout de suite. Je télécharge mes mails et les regarde un à un en mettant ceux qui peuvent attendre lundi de côté dans leur dossier “à traiter”. Le reste je le laisse tel quel. Ça ne prend pas longtemps et la fatigue reprend le dessus. J’étouffe mon bâillement et pose mon téléphone sur la table de nuit. Si je ferme les yeux deux secondes, ce n’est pas grave pas vrai ?

A nouveau, je ressens cette chaleur supplémentaire agréable et qui me donne envie de rester indéfiniment au lit. J'ouvre brièvement les yeux avant de les refermer et de me laisser sombrer. Normalement, je devrais déjà être debout pour me préparer à aller faire mon jogging mais ça ne sera pas aujourd'hui.

Je regagne conscience plus tard quand j'ai un peu plus froid. Je grogne un peu en ouvrant les yeux, juste quand Jake sort de la chambre.


Je me retourne sur le ventre pour enfouir mon visage dans l'oreiller. J'ai encore envie de dormir mais il faut que je me lève. J'attends cinq bonnes minutes avant de me lever pour de bon. Assise sur le bord du lit, je resserre le cordon du jogging que je porte et lisse d'une main le t-shirt pour qu'il tombe bien. Maintenant qu'il fait plus clair dans la chambre, je peux mieux voir le bureau avec l'ordinateur et une tablette. Le matériel de peinture me rappelle trop de souvenirs alors avant d'avoir encore plus la nausée, je me lève du lit et me dirige vers la porte.

Je sors de la chambre tout en me passant les doigts dans les cheveux pour les démêler. Je m'approche de la table qui sert de séparation avec la cuisine.


Je souris à Jake en ajoutant:

Je m'assieds sur un des sièges et je le regarde s'affairer en cuisine. Je grimace un peu quand mon ventre refait des siennes. Si je ne mange pas, je vais devoir courir aux toilettes.


Je soupire un peu en ajoutant:


Rien que de repenser au sourire satisfait et le "sans rancune" que cet abruti m'a lancé hier après la réunion, ça me recoupe l'appétit. Un peu désespérée, je pose mes bras sur la table et pose mon front dessus pour me cacher.

Et moi donc ! Déjà, je serais retourner dans le passé pour empêcher ce foutu accident de voiture. J'irais me mettre une baffe pour avoir proposer cette idée de voyage stupide. L'odeur du café qui passe et des pancakes beaucoup plus proche qu'avant me fait relever la tête et me rasseoir correctement. A la supposition de Jake, je lâche un petit rire narquois.


Mon ton dégoûté doit le mettre sur la voie de ce que je pense de sa question.


Je soupire en regardant mes mains sur la table avant de les porter à mon visage pour me cacher une nouvelle fois.


Je laisse tomber les mains sur mes jambes et fixe les pancakes.


Le pire c'est que je le connais, on était à l'université ensemble. Son entreprise en avait moins besoin que la mienne. Il l'a fait uniquement dans le but de me mettre au défi.


Complètement déprimée, je prends des morceaux de banane pour les mettre sur le premier pancake. Il me faudra bien du sucre pour passer l'amertume que m'envahit.

Je me fige dans le garnissage de ma crêpe quand il me patpat la tête ? Uh ?! Mon air sombre laisse place à un air surpris. Je crois que même mon père ne m’a jamais fait ça. Ses paroles sont plus réconfortantes que ses gestes. C’est vrai, il a raison. Tant pis pour cette marque de magasin, on en vendra à une autre. C’est juste décevant mais ça ne va pas m’abattre. C’est un projet qui me tient à coeur et c’est moi qui ait réussi à convaincre mon père de se lancer dans l’éco-responsable et l’éthique.


Un sourire fourbe m’étire les lèvres. J’ai déjà élaboré des plans pour “lui rendre la monnaie de sa pièce”. Mon préféré est de jouer sur la fierté de l’autre pour le jeter ensuite. C’est la partie d’avant qui me donne des aigreurs d’estomac. Cependant, je suis sûre que le jeu en vaudra la chandelle.


J’entame finalement mon pancake avec plus d’entrain.


Et c’est bien ça qui me gêne. Et si il changeait d’avis ? Il pourrait choisir un autre héritier pour prendre le flambeau, je sais que mon cousin -son assistant- n'attend que ça.


C’est un peu une question rhétorique mais ça me préoccupe quand même.

Les paroles de Jake me rassurent un peu. Il a complètement raison. Mon vrai père était pareil aussi. Il se donnait des grands airs et était sévère mais il était bienveillant aussi. De toute façon, mon “nouveau” père m’aime tellement que je ne le vois pas me déshériter pour si peu. Par contre, la partie sur monter ma propre boîte… je ne sais pas si je pourrais le faire. J’ai toutes les compétences et le savoir pour mais… ça ne me semblerait pas correct. J’ai déjà l’impression d’avoir volé la vie de sa fille, je ne vais pas voler ses clients ou lui faire de la concurrence.


Je continue un peu à manger et regarde autour de moi discrètement. C’est vraiment un joli appartement, même si il fait à peine la moitié du mien.

C’est trop nul de travailler le samedi. Heureusement, il commence assez tard, ça me fait moins culpabiliser pour hier soir. Même si au final, il n’était pas si tard que ça. Je profite d’avoir la tasse de café pour boire une gorgée. Ça fait tellement de bien ! Avec les pancakes, je me sens déjà un peu mieux. Par contre, je manque de m’étouffer quand il choisit l’option “plats maison”. Heureusement que je n’avais plus rien dans la gorge.


Oh merde qu’est-ce que je viens de dire ? ça m’a échappé sans réfléchir.


Je me cache un peu en buvant mon café. Bien joué Edith. T’es trop à l’aise alors tu fais des lapsus stupides. Si les parents d’Olivia ne lui ont jamais appris à faire à manger, moi, j’ai toutes mes connaissances culinaires de ma vie précédente. Et j'ai appris avec les meilleurs professeurs de la Nouvelle-Orléans.

Même si je suis embarrassée d’avoir raté le coche, je vois la réaction de Jake à mes propos et ça me fait une drôle d’impression. Peut-être que ça lui rappelle de mauvais souvenirs ? Mais en quoi mes propos pourraient provoquer une telle réaction ? Je chasse cette pensée et fait comme si je n’avais rien vu. Entre la vérité et le mensonge pour lui répondre, je choisis la demi-vérité.


Malgré moi, je commence déjà à cogiter pour trouver ce que je pourrais faire. Je mange encore quelques bouchées de pancakes avant de reprendre la conversation.

Effectivement, c’était cool, j’ai bien aimé faire ce voyage. J’avais choisi des filles qui voulaient absolument faire ce voyage, non pas pour l’amusement mais aussi le plaisir de découvrir d’autres choses. Cela n’aurait pas été supportable de faire un voyage pareil avec des cruches qui ne pensent qu’à faire la fête. On a profité des boîtes de nuit et des bars bien sûr mais c’était surtout culturel et pour le plaisir de changer de paysage. Quand il me donne ses disponibilités, je réfléchis vite fait si j’ai quelque chose de prévu. Je ne crois pas. Je repousserais la visite chez mes parents au dimanche.


L’association banane-chocolat est un peu trop lourde pour mon estomac en vrac mais ça se laisse manger en petite quantité.


Même si je ne laisse personne dormir chez moi en temps normal. D’ailleurs, ça sera la première fois que j’invite un homme chez moi. D’habitude, je m’arrange pour avoir un rencard ailleurs. Ça devient une plaie si ils prennent mal la “rupture” et savent où j’habite.

Je le remercie quand il envoie le message et fini de boire le contenu de la tasse à café. Sa question me laisse songeuse, je ne sais pas trop ce qu’il pourrait ramener. Je pense tout acheter la veille et vu que je n’ai aucune idée de ce que je vais faire.


Je finis une partie de mon assiette avant de me servir un verre de jus de fruit. Si je mange plus, je ne pense pas que je vais le supporter.


Il faut que je récupère mes vêtements dans la chambre avant d’aller me changer. La douche attendra que je rentre chez moi. Par contre, une pensée me traverse l’esprit.

J’hoche positivement la tête à sa réponse. Je vais essayer de me dépêcher.


J’admets que ça m’arrange qu’il dise qu’il va me déposer. Un souci de moins et de l’attente en moins aussi. Il se lève pour débarasser et j’en profite pour mettre ma tasse sur l’assiette pour lui faciliter la tâche. A peine je me suis levée que le petit chien vint me dire bonjour. Je me disais bien que c’était étrange qu’il ne se soit pas réveillé avant. Je me penche pour lui caresser la tête.


La réflexion de Jake me faire rire et j’en profite pour dire:


J’appuie ce dernier mot avec ironie et un sourire amusé.