Never surrender

Titubant, blessé, j'avance sur le champs de bataille après mes quelques péripéties. Je n'ai qu'une seule chose qui me pousse à avancer, qui me fait supporter la douleur que m'impose chacun de mes pas. Volac. Main pressée contre une de mes côtes, je le cherche désespérément. Mon autre main est rivée sur la détente de mon dernier pistolet. Les corps qui volent en éclats de poussières et de cendres ne m'arrêtent pas. D'une voix éteinte, je commence à parler dans le vide.

- Où est-tu ?

Mon souffle me fait mal lui aussi. Je serre les dents puis je tire sur les anges qui croisent mon chemin. J'en touche plusieurs mais d'autres démons s'occupent d'eux, donc je ne suis pas pris en chasse. Puis ces démons aussi se font ensuite traquer par d'autres anges. C'est le chaos. Et dans ce bordel, je cherche mon père ! Fou de rage, brisé entre désespoir et folie, j'hurle ma colère.

- Volac, où es-tu bordel de m*rde ?! Si tu me réponds pas, j'irai chercher ta tête en enfer pour te la carrer dans le derche !

Perché dans un arbre, Volac se délecta de toute la scène. La blanche colombe avait été touchée et était maintenant maculée de sang au niveau de l’une de ses ailes. Il la regarda se battre contre ses assaillants pendant les quelques secondes qui passèrent et se téléporta ensuite dans un arbre un peu plus proche pour suivre l’action. Cependant, celui qui lui avait mutilé une aile gagnait du terrain et commençait à la rattraper. Elle lui tira une balle dans la cuisse mais la distance entre eux continuait de s’amenuiser.

Alors que le soldat démon passait sous la branche où était caché Volac, ce dernier lui sauta dessus, lui plantant une dague dorée dans la nuque.

Volac : "J’ai déjà dit 150 fois, on ne touche pas à mes jouets. "

Il releva alors les yeux vers la pigeonne, qui le fixait un peu incrédule, avant qu’un climat de tension s’installe entre eux. Ils se fixaient du regard, l’un et l’autre ne lâchant pas, et ils attrapèrent leurs armes. Volac lui laissa le temps de se relever avant de commencer à avancer vers elle, les yeux complétement noirs et un sourire de psychopathe aux lèvres.

Volac : "A nous deux ma jolie."

J'entend des bruits, des cris, des hurlements, des armes qui éclatent en morceaux, des balles qui se perdent... comment je suis censé me concentrer et retrouver mon vieux dans ces p*tains de conditions ?! Je m'écroule un genou à terre. M*rde. C'est pas le moment de flancher. Je passerai pas l'arme à gauche avant de revoir Volac. Je peux pas...

Pas très loin de moi, je perçois de l'agitation. 'Manquait plus que ça de retomber sur des piafs. Je me prépare, je lève mon arme pour viser. Je vois un ange qui fuit un poursuivant. Problème réglé je présume, sauf si le gars de mon camp se fait buter avant. Je continue d'avancer dans le tas de ruines et de poussières. Là j'avoue que ça m'aurait aidé d'avoir mon katana. Avec lui, j'aurais peut-être pu sentir la présence de Volac.

Quoique, je retire ce que je viens de dire, je m'en sors bien tout seul finalement... puisque je tombe sur Volac et l'ange de tout à l'heure. Là, mon coeur se serre et mon souffle se coupe.

... Je sais même pas ce que j'ai envie de lui dire.
Lui dire que cette guerre est foutue de toute façon ?

J'suis à deux doigts de crever, mon corps me crie qu'il veut s'effondrer. Je regarde vers le ciel pour garder la tête haute (dans tous les sens du terme).

Et, je sais pas ce que j'aperçois, mais ça me dit rien qui vaille. Le ciel est dégagé mais très sombre et une ligne rougeâtre flamboyante s'étend sur toute la longueur. On dirait que ça approche. Merde. Qu'est-ce que ça peut bien être ? Si ça tombe sur nous, on est cuits.

J'ai jamais ressenti ça auparavant. C'est même pas de la peur, mais bien pire. Plutôt une sacrée stupéfaction. Comme si... tout prend son sens.

Peu importe ce que j'ai à lui dire, le sentimentalisme ça me réussit pas. C'est aussi ridicule que cette guerre. Je l'ai toujours su au fond de moi, toujours su que notre combat contre les anges est un amas de connerie monté sur les cendres de nos aïeux. Est-ce qu'on va vraiment finir comme ça, moi et mon père ? Rendre nos armes en étant bouffés par la guerre ? Est-ce que j'ai une chance de lui faire regarder ailleurs que dans cette boucherie dans laquelle il est pas foutu de se sortir ?

Je presse ma détente et je tire dans l'épaule de Volac. C'est qu'une balle en argent mais j'aurais aimé qu'elle soit en or, bon sang.

- Volac !

Toujours mon arme pointée sur lui, j'hurle jusqu'à m'en briser la voix, à en cracher mes poumons.

- Lève la tête un peu, qu'est-ce que ça va t'apporter de buter cette angelette ! Tu vois pas qu'on va tous y passer de toute façon ?! Tu pourrais pas penser à autre chose pour une fois !

Je sais plus ce que je raconte, c'est le désespoir qui parle.

- Mais moi... je...

J'abaisse le chien de mon pistolet, j'arme une autre balle. Mes pensées se troublent. Désir et colère se mélangent. Pourquoi ça doit se finir comme ça ? À quoi ça aura servi de naître dans ce monde foutrement laid et de crever en étant le fils de quelqu'un qui me regardera jamais.

Non, je laisserai pas les choses se terminer ainsi. Quitte à ce qu'on crève, je préfère que ce soit moi qui ait la peau du démon à sonnettes.

- Si je peux pas t'avoir alors personne ne t'aura !

Je tire plusieurs fois, une bonne volée de balles qui s'en vont le transpercer. Je sais même pas pourquoi j'en arrive là. Ces tirs sont compulsifs et pourraient se perdre dans la tête ou la jambe de l'autre plumette qui obsède mon père.

La balle qui lui transperça l’épaule l’arrêta net dans son élan. Volac n’eut pas besoin de tourner la tête pour savoir à qui appartenait cette voix qui braillait comme un taré, ça ne pouvait être que…

Volac : "Cet idiot de Valeron… Casse-toi de là !  "

Il porta sa main à son épaule et la retira, voyant le sang qui s’y était étalé. Son regard se releva alors pour le dévisager, déformé par la rage et la frénésie des massacres qu’il avait enchaîné. Tout ce qu’il lui disait ne faisait qu’entrer par une oreille et sortir par l’autre. Comment pouvait-il en arriver à dire qu’il fallait laisser ces foutus piafs en vie ? Il attendait quoi, que son père et lui partent ensemble main dans la main en laissant tout derrière eux ?

Volac : "Jamais je ne les laisserais me survivre. "

Les balles se mirent alors à pleuvoir autour d’eux et, alors que l’une d’elle se loge dans l’aile restant de la blonde à plumes, une autre vient arracher un morceau d’oreille de Volac. Il n’eut que faire des jérémiades de son fils, il devait s’occuper d’elle. La première flèche qu’elle décocha perfora l’air avant d’aller blesser Valeron, ce qui enragea d’autant plus Volac. Celui-ci se plaça entre eux et s’élança contre l’ange qui lui faisait face, devenant la seule cible de ses attaques pour l’épargner. Il était hors de question qu’elle reste debout.

S’en suivit alors un combat acharné. L’arc d’Estelle envoya plusieurs flèches mais les réflexes du démon en brisèrent quelques unes en fendant l’air, réduisant la distance qu’il y avait entre eux. Bien que l’une d’elle transperça l’une de ses cuisses, la distance ne fut plus qu’un souvenir et le combat devint alors du corps-à-corps, Volac avait pris l’avantage. L’angelette sortit un poignard sans crier gare et leurs lames marquèrent le corps de l’autre de plusieurs entailles au rythme de leur combat. Volac parvint à lui attraper le poignet et leva le bras, venant lui planter sa dague dans l’épaule sans retenir sa force. Cela arracha un cri de douleur à la blonde, ce qui fit sourire Volac de complaisance. Il planta sa dague à répétition, la perforant à plusieurs reprises puis l’attrapa pour la coincer contre lui alors qu’elle se débattait.

Volac : "A tes retrouvailles. "

Ainsi, il lui trancha la gorge.

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Je suis submergé par une colère confuse et diffuse, elle se répand dans tout mon être comme un poison mortel. Il en a rien à foutre de moi, je ressens une frustration immense. J'hurle son nom à m'en déchirer les cordes vocales. Je n'ai plus de balles, donc mon revolver ne me sert plus à rien, j'le balance sur le côté. Rapidement, je m'élance pour léviter jusqu'à mon père.

C'est alors que je sens quelque chose qui me transperce. Je tombe dès que je reçois le coup. En me redressant un peu, je comprends que je viens de me prendre une satanée flèche dans la poitrine... En plein cœur. La douleur est étouffante et coupe mon élan. Mon esprit s'embrume. M*rde ! Je commence à me noyer dans mon propre sang, chaque battement de mon cœur est détraqué par la flèche qui est plantée à l'intérieur. Chaque souffle devient un vrai calvaire. Pourtant, je dois absolument me relever...

J'attrape une épée en or qui traîne sur le sol et je me hisse avec, jusqu'à Volac. Je peux pas abandonner maintenant. Mon souffle coupé court me fait défaut, plus aucun mot ne peut sortir de ma gorge. Seulement du sang qui coule à n'en plus finir et des gémissements secs. Arrivé près de Volac, je l'attrape et je l'allonge au sol. Mes bras tremblent et je pense que si j'arrive à le soumettre c'est sûrement parce qu'il se laisse faire maintenant qu'il a enfin atteint son but. Je le déteste. Pourquoi est-ce que je peux pas m'empêcher d'espérer qu'il pourrait attendre quelque de moi ? Je le regarde dans les yeux. Je l'avais jamais vu de si près, ni même vraiment fixé.

Mes forces m'abandonnent. Je retire la flèche qui dépasse de mon abdomen et ça me fait rien, j'ai plus aucune sensation. Le bout de mes doigts commence à s'effriter.

Ça y est, c'est la fin.

Tenant la flèche en or par son fût, je resserre mon poing et je n'obéis qu'à mes dernières volontés. Je poignarde Volac. Plusieurs fois. Je m'acharne, sans paraître trop effréné non plus, je le poignarde profondément avant de retirer, puis de replanter. Mes larmes coulent en même temps que mon sang, en même temps que gicle le sien. Mon cœur se durcit et s'apprête à tomber en poussière et tout le reste suivra. J'adresse mes dernières paroles à mon père. Ils sortent miraculeusement.

- Si... seulement... si seulement elle m'avait jamais dit que... t'existais, j'aurais jamais autant souffert... Salaud...

Sans lui, je me serais jamais raccroché à cette guerre, j'aurais pu dépérir sans rien ressentir. Mais parce qu'il est là, j'ai fait qu'espérer trouver un sens à tout ça.

Ma main se relâche et se fissure puis elle éclate en poussière au dernier coup que je plante. Je m'écroule dans les bras de Volac.

Bizarrement, je m'y sens bien. Si je devais renaître, j'aimerais pouvoir y être à nouveau comme un être aimé qui en vaut la peine. Ouais, ce serait bien.

Pas vrai, Volac ?

Cela faisait des semaines qu’il s’évertuait à dégager Valeron de son entourage, qu’il le menaçait, le balançait contre les murs en refaisant la déco du campement, qu’il le blessait et lui brisait les os… Et pourtant Valeron était toujours là prêt à lui hurler dessus. Toujours à lui réclamer que, peu importe les os brisés et les paroles blessantes qu’il pouvait avoir à son encontre, Il le voulait lui.

Sa ténacité avait tout de même eu le mérite de remonter son estime à ses yeux, mais jamais il ne lui aurait avoué. Le démon à sonnette se gardait bien de laisser échapper le moindre soupçon d’espoir de recoller les morceaux avec Valeron. A quoi bon ? Volac n’avait jamais eu de père et était bien loin de l’image de ce que ça demandait. Ses compétences relevaient de la torture, des péchés inavouables et de faire souffrir autrui, pas d'apporter amour et soutien. C’était un truc d’humain désespéré, lui était un démon plein d’orgueil et ne les avait jamais envié.

Cependant, lorsque l’ennemie décocha sa dernière flèche, le hurlement qui s’ébruita derrière lui le poussa dans son geste. Volac poignarda l’ange. Il le fit même à plusieurs reprises, non sans sourire de satisfaction avant d’en finir avec elle en lui trancher la gorge. Il laissa le corps de celle-ci s’écrouler au sol, alors qu’il haletait de rage. Une vie pour une autre.

Il se retourna une seconde trop tard, lorsque Valeron lui sauta à la gorge. La bataille les avait affaiblis et tout deux sentaient que la fin approchait. Volac avait accompli son destin de soldat, mais une foutue flèche avait fusé dans l’air et faisait saigner sa chair en plein cœur. Valeron l’arracha de sa poitrine alors que Volac fixaient la plaie avec la même rage qui l’habitait plus tôt. la rage d’avoir vaincu l’ennemi mais d’avoir raté son but. Il leva les yeux pour croiser les siens et, en l’espace de quelques secondes, il comprit ce qui l’attendait.

Le premier coup fut douloureux, mais les autres s’enchainèrent avec une telle intensité qu’ils n’en étaient que plus douloureux encore. Il n’y avait pas que la douleur physique, Volac sentait que quelque chose en lui se brisait, s’effritait. Comme si le mur de brique qu’il avait préservé pendant tant d’années finissaient par céder sous l’assaut des coups de Valeron. Il cracha du sang alors que les larmes de Valeron coulaient jusque son visage, que de la poussière commençaient à s’échapper de lui.

Volac sentait ses organes et ses muscles se raidirent à mesure que les paroles sortaient de la bouche de son fils. Il ne restait plus rien à sauver et Valeron abandonnait en lui portant un dernier coup en plein cœur, s’écroulant sur lui. Le démon à sonnette essaya de se relever en vain et hurla :

Volac : "Espèce de… d’enfoiré ! T’as pas le droit, tu peux pas clamser avant moi ! TU DEVAIS TENIR PUTAIN ! T’AS TOUJOURS TENU LE COUP !"

Ses nerfs étaient tellement à vif qu’il se mit nerveusement à rire, un rire jaune et effroyable entrecoupés de gémissement de douleur. Ils s’étaient entêtés jusqu’au bout, mais il avait fallu qu’ils en arrivent là. Il n’avait que ce qu’il méritait. Alors que le corps de Valeron partait en poussière, Volac regarda la flèche dorée qui trônait au creux de sa poitrine. Ses doigts commençaient à s’effriter alors qu’il les approcha d’elle, celle que son fils avait planté avec tant de regrets. Il n’avait rien à lui offrir, pourtant Valeron lui avait tout donné. Alors il prononça ces dernières paroles avant de partir en poussière.

Volac : "Si ce n’est dans cette vie, ce sera dans l’autre…"

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