Please don't make any sudden moves [Redrum] (Terminé)

Ces anges pensent que leurs ailes peuvent les sauver à chaque fois. Ils se trompent. Au sol ou en vol, ça ne change rien pour moi. Je leur éclaterai la tête peu importe la distance. Ces missions commencent à me lasser... En voilà un autre qui prend son envol. Je soupire. Chaque battement d'ailes est égal au temps qu'il me suffit pour recharger mon fusil de précision. Il ne peut pas m'échapper. Cet imbécile entre dans ma ligne de mire pour signer son arrêt de mort. D'un geste mécanique, j'incline mon arme pour me caler à la vitesse du vent, je cible et je tire. L'ange tombe. Je laisse mon doigt sur la gâchette et je l'observe s'écraser au sol. Ça ne me fait absolument rien.

Mon chef d'unité ordonne le repli. La mission est terminée. Je me retire et je remarque que le canon de mon fusil est usé... Je crois que je vais devoir l'améliorer. Je ne peux m'empêcher de tiquer. De retour à la cité, je me défais de mon unité parce que j'ai pas envie de perdre mon temps à faire mon rapport. J'ai des projets plus importants. Un des membres de cette unité se met sur mon chemin et je crois qu'il commence à me réprimander. Mais je m'en fous complètement. Il insiste pourtant.

Tssch. Il l'aura cherché. J'attrape le pistolet rangé dans l'étui latéral de ma veste et je le lui enfonce dans la bouche pendant qu'il parle un peu trop. Je vois la surprise et la terreur dans ses yeux. Il sait que si je tire, il sera fichu. Il sait que ce pistolet est chargé de balles en or que j'ai fabriqué moi-même à partir de restes récupérés sur le terrain. J'ai toujours eu envie de tester ce nouveau petit bijou. Je me demande comment la mâchoire de ce forcené se brisera quand je presserai la détente.

Ma menace attire des curieux. Et alors, quelqu'un s'interpose.

C'est une grosse pointure de l'armée que voilà. Le commandant Redrum en personne. Je crois que j'aurais de loin préféré tomber sur le Général. Je n'aime pas qu'il décide de mettre le feu à mon arme, qui fond comme un bloc de glace sous ses flammes. L'autre emmerdeur a d'ailleurs une peur bleue en voyant le commandant pendant que lui se trouve dans une position pas très glorieuse. Ce regard est so priceless. Je décide de retirer le pistolet de sa bouche. Les flammes du commandant l'ont beaucoup endommagé. Je commence à croire que les balles en or auraient fondu elles aussi.

Le commandant me prend alors pour... mon père. Volac, le démon à sonnettes. C'est pas comme si tout le monde dans l'armée ne me le disait pas déjà assez donc ça m'intrigue pas, mais je m'interroge alors sur le commandant et ses relations avec Volac. J'ai l'impression de ne jamais en savoir assez sur lui. Qu'en était-il du commandant ? Allait-il le dénigrer ou vanter ses prouesses ? Généralement, il n'y avait que ces deux possibilités. Le ressentiment ou l'admiration.

Sur ses paroles, je fais un salut militaire pour me repentir de mon acte. Je n'attends que sa permission pour partir ou sa décision pour entendre réprobation. Ce n'est pas comme si j'avais le choix.

Je sais pas vraiment si c'est bon signe ou non qu'il veuille que je le suive. Son autorité semble absolue dans le coin. Il m'a pas l'air hostile mais j'avoue que j'ai pas tellement envie d'avoir affaire à lui. Surtout que mon pistolet a le canon fondu maintenant. Je devrais déjà être en train de le réparer et de jeter un œil à mon fusil sniper aussi. Je le suis uniquement parce qu'il est mon commandant. Il m'emmène dans un établissement que j'avais jamais vu de l'intérieur auparavant (pour pas dire que je m'en foutais...) et il commence à me questionner.

Sa perspicacité m'étonne un peu, nonobstant le fait que ça me surprend pas totalement non plus. On parle quand même d'un commandant après tout.

- Je suis ingénieur, mon commandant. Je n'ai pas d'affectation principale. Je vais là où on me commande d'aller.

Avec un petit moment d'hésitation, je lui réponds aussi pour mon arme.

- Cette arme a été fabriquée pour supporter les balles en or, d'où l'épaisseur du canon fait d'un mélange d'argent et d'acier noir.

Je n'arrive pas à savoir ce qu'il me veut mais ça me dit rien qui vaille.

... je sourcille. Le commandant complimente mon arme avant de la descendre la seconde d'après. Je le regarde insipide en dissimulant mon envie de lui carrer mon flingue dans la gorge avec de la soude.

- Vous avez raison...

Je peux pas me contenter de lui en vouloir, je relativise. Si mon pistolet a fondu sous ses flammes alors ça voulait dire qu'il était pas au point. Je dois repenser à un moyen de renforcer son armature. C'est mon problème. Le commandant me pose ensuite une question à laquelle je m'attendais pas forcément. J'hausse un sourcil, mi-surpris mi-intrigué par la question. La réponse me semblait évidente mais je réfléchis alors. Il doit sûrement se douter que les ingénieurs ne fabriquent pas d'armes à feu en or parce que seules les balles comptent et font les dégâts... Que veut-il à la fin ? Il me teste à tous les plans... J'ai l'air si con à ses yeux ?

- Sauf votre respect mon commandant, nous manquons de matière première et nous ne pouvons pas réutiliser des armes angéliques en inversant le processus de création par refonte car la fusion obtenue est impure. L'or perd alors sa propriété.

Je m'exprime en tant que porte parole de confrères ingénieurs. C'est pas comme si aucun de nous n'y avait jamais pensé auparavant pour contrer les traîtres.

- Nous pouvons donc nous contenter des balles qui ne changent pas l'efficacité du tir.

Je reste droit et confiant de mes propos.

J'ai l'impression de pas le convaincre. Même si c'était possible, ça ne servirait à rien de fabriquer des armes en or façon démon. Autant prendre un flingue déjà tout fait sur un ange mort qui s'en servira plus de toute manière... Alors je me demande bien pourquoi il me pose la question. Il a forcément autre chose en tête. Et j'ai pas franchement envie de m'en mêler.

C'est alors que le commandant Redrum ouvre un grand coffre et me montre une épée particulière. Ça me surprend parce qu'en temps normal, l'or angélique et l'argent démoniaque se rejettent et l'un ou l'autre finit par perdre son attribut quand on les mélange. Pour les armes à feu, c'est ce qui se passe en tout cas. On peut pas se permettre d'assembler des éléments défectueux pour un fusil ou un pistolet. Pourtant, j'observe avec attention cette arme hybride. Je fais part de mes remarques.

- L'or n'est pas mélangé à l'argent. En fait, on dirait qu'il y a des cavités dans lesquelles on aurait laissé coulé l'alliage voulu parce que les extrémités ne se touchent pas.

Pourquoi faire ça ? J'essaie de résonner de manière logique. L'épée est faite principalement d'argent et de fer, ou peut-être un acier trempé. Quel est l'intérêt de lui avoir rajouté des ornements en or ? Par esthétisme ? Les renégats se soucient-ils vraiment de l'esthétisme... Pour l'alléger ? Impossible, l'or est plus lourd que le fer ou l'argent. La puissance alors ? Je me focalise sur cette dernière hypothèse. J'analyse toujours plus l'épée. La disposition de l'or me rend perplexe. On dirait que l'or a été placé a des endroits précis, tels des piliers dans une construction.

Mon regard s'intensifie, mon souffle ralentit.

- C'est plutôt intéressant de faire ça pour éviter la rouille, ça augmenterait considérable la durabilité de l'arme malgré le poids augmenté en conséquence.

Si notre argent est plus léger et maniable que l'or des anges, en revanche l'or ne rouille pas et possède une durabilité non négligeable. Pour les lames en tout cas. Sachant qu'il s'agit des renégats qui n'ont pas forcément accès aux forges de façon régulière, ça doit représenter un certain avantage tactique. Quant à savoir si cela joue sur l'efficacité pure, difficile à vue d'œil.

Je supporte vraiment pas ce mec. Il me tape sur les nerfs. Je ne sais pas ce qu'il veut que je lui prouve et maintenant il cherche à m'acculer ? Je sens la pointe de la lame contre mon cou et je relève la tête en suivant son geste. Je lui lance un regard déplu.

- Pourquoi me parler de cette arme en sachant ça alors ?

Je vais pas cacher ma préférence pour les armes à feu qui m'empêche pas d'avoir des connaissances pour les armes blanches. Ses insinuations me gavent. Mon respect est à sa limite. Je ne ressens pas de l'intimidation. Je ne bouge pas car je connais ma place mais c'est pas l'envie qui manque d'enfoncer ma gorge dans cette foutue lame argentée pour qu'il me prenne enfin au sérieux et change cette satanée expression blasée de son visage condescendant.