“Et qui est ce garçon pour qui tu fais les courses hu ?” me dit ma mère au téléphone alors que je suis occupée à faire les courses pour le repas de ce soir.
Un ami qui m’a rendu un service, rien de plus, rien de moins.
“Je vois… et donc, tu ne viens pas demain ?”
Je ne sais pas trop, ça dépendra, je te tiendrais au courant.
“D’accord, alors j'attendrai ton appel, amuses toi bien !”
Merci, à toute.
Je quitte l’appel avec un soupir, son “amuse toi bien” était un peu trop joyeux. Je ne sais pas trop ce qu’elle s’imagine mais j’espère qu’elle ne pense pas que je vais lui annoncer bientôt que je suis en couple. Je sais qu’ils n’attendent que ça. Ce n’est pas faute de leur avoir dit que je préférais attendre et que je verrais bien en fonction de comment va ma vie. Et puis, il faut dire que je n’ai pas encore rencontré quelqu’un qui est assez à la hauteur pour être mon petit-ami ou plus.
Bref, oublions tout ça et continuons les courses. J’ai déjà acheté de la viande chez le boucher et des légumes chez le maraîcher. Il me manque juste des trucs apéritifs que j’ai décidé d’acheter tout fait. Des chips et ce genre de connerie. En plus de l’alcool promis la semaine dernière.
Dans la soirée
De bonnes odeurs viennent du four. Le rôti de bœuf et les pommes de terre au four sont bientôt prêtes, juste à temps pour l’arrivée de Jake dans quelques minutes. Pour l’occasion, j’ai rangé à fond l’appartement et j’ai même préparé les draps pour le canapé-lit, la table est déjà dressée parfaitement, je l’ai juste laissé neutre pour éviter les quiproquos, ce n’est pas un rencard. Je ne sais pas trop pourquoi je me donne autant de mal pour que ça soit parfait. C’est sûrement mon ancienne éducation qui revient. On m’a appris à être la parfaite maîtresse de maison après tout. Recevoir, faire un bon repas, ne pas décevoir les invités et être certain qu’ils reviennent pour garder de bonnes relations sociales et une bonne image. Des mécanismes qui n’ont plus de raisons d’être de nos jours mais qui sont ancrés en moi, comme une marque indélébile.
Chassant cette pensée, je prends mon téléphone pour mettre de la musique d’ambiance, douce et assez basse en attendant. C’est une playlist toute faite de Spotify alors j’espère ne pas être déçue. La sonnerie de l’interphone retentit et je m’empresse d’aller répondre. Je déverrouille la porte et indique le dernier étage à mon invité. Il ne reste plus qu’à attendre qu’il monte jusqu’ici et la soirée pourra commencer !
La journée passa lentement. Attendait-il la soirée avec impatience ? Certainement. Il s'amusait toujours beaucoup en présence d'Olivia, bien qu'elle lui rappelait sa défunte épouse et que la ligne entre eux était parfois floue. Il se raisonnait au vue de leur différence d'âge, de leur différence de classe sociale et du fait qu'il n'oublierait jamais Édith. Cependant, il ne pouvait nier que la jeune femme lui plaisait. Elle était belle, intelligente et malgré ses airs de princesse, plutôt gentille. À ses côtés, il se sentait un peu plus lui même. Un peu plus Jack. Elle réveillait en lui son goût de s'amuser.
Après le travail, il se rendit chez lui pour prendre une douche et se changer. Il insista bien sur ses cheveux, qu'il avait tâchés avec de l'huile de moteur. Il rasa sa barbe de trois jours, mis un peu de parfum (acqua di gio) puis repassa ses vêtements en boxer. Il enfila une chemise blanche et un pantalon classe, qu'il réservait aux occasions et entretiens. Si auparavant sa garde robe était remplie de ce style, aujourd'hui il n'en avait que quelques pièces. Un garagiste n'avait pas besoin de tout ça. Il avait multiplié les hoodies et tenues confortables.
- Tu es tout beau mon chéri, tu vas voir la jolie Olivia ?
- Ouais, comment as tu pu deviner ?, demanda-t-il en levant les yeux au ciel, un sourire amusé sur le visage.
Il lui avait acheté une plante en pot, pour ne pas paraître romantique, mais sous les brimades de sa mère, il l'avait laissé à la maison et acheta un bouquet de fleurs avant d'arriver chez Olivia. Il n'avait pas voulu de rose rouge, surtout pas. Il avait donc demandé un bouquet d'œillets, les fleurs préférées d'Edith. Il avait confiance en son bon goût. Bien que ce ne soit pas la saison, elles venaient de serres et il fut servi. Il ne connaissait pas leur signification, et s'en fichait royalement.
Il se gara devant ce qui semblait être l'immeuble d'Olivia. Il venait dans ce quartier pour la première fois. Il sonna, puis prit l'ascenseur, son bouquet à la main et le sac à avec ses affaires "au cas où" il restait dormir dans l'autre. Il sonna de nouveau, à la porte cette fois. Olivia lui ouvrit et il la trouva belle. Il lui tendit le bouquet, avec un sourire.
J’ouvre la porte et je suis un peu surprise par l’apparence de Jake et surtout le bouquet. Des œillets blancs… Je reste bloquée dessus pendant deux bonnes secondes. Ce sont mes fleurs préférées avec les pivoines et ce dans cette vie comme dans l’autre. J’aimais bien en mettre partout dans la maison quand c’était la saison. Toutes les couleurs que je pouvais trouver sauf les jaunes. Est-ce qu’il connaît la signification de la couleur qu’il a choisi ? Bizarrement, j’en doute fortement. Après ce court moment d’absence, je me ressaisis et lui dit bonsoir à mon tour avant de prendre le bouquet et m’écarte pour le laisser passer.
Merci et bienvenue chez moi !
D’une main distraite, je touche les fleurs en passant mes doigts sur les pétales toutes douces. Ça me fait vraiment plaisir comme cadeau, même si j’ai déjà reçu des bouquets en pagaille, celles-ci me replongent dans la nostalgie. Et je peux me sentir sourire bêtement en les regardant. Il faut que je me mette une claque mentale pour me sortir de ma transe.
Je vais les mettre dans l’eau de ce pas. Va-y entre et fait comme chez toi !
Je tourne les talons et me dirige vers la cuisine en déposant le bouquet temporairement sur le comptoir. Je trouve rapidement un vase dans un placard et je m’empresse de le remplir d’eau et pendant que ça se remplit, je me tourne un peu vers mon invité pour demander:
Passer une bonne journée ?
C’est seulement maintenant que je fais plus attention à sa tenue. Il est vraiment beau-gosse, les chemises lui vont mieux que ses sweat-shirt !
Une fois renté, Jake pose son sac à terre et retire son manteau qu'il pend là où les manteaux doivent être pendus. L'appartement d'Olivia était bien chauffé : ni trop chaud ni pas assez. Jake fut content de ne pas avoir mis autre chose qu'une chemise.
Olivia étant déjà partie, il la rejoint tout en admirant l'appartement. Il le trouva moderne, beau et bien entretenu. Son regard se posa sur la jeune femme, qui lui tournait le dos et il se força à détourner les yeux. Est ce que c'est parce que mon corps est jeune que je suis attiré par une jeune femme ? Je n'ai eu aucun souci à les éviter jusqu'à présent, pensa-t-il, exaspéré de lui-même.
Jake la regarda s'occuper des fleurs, content de voir qu'elle ne jetait pas le bouquet dans un coin. Il ne comprenait pas pourquoi les fleurs plaisaient aux femmes. Il ne l'avait jamais compris. Mais puisqu'en recevoir les rendait satisfaite, il lui suffisait d'en acheter.
- Un peu longue au travail, et toi ? Tu n'as pas trop couru dans tous les sens ?
L'odeur agréable de la viande en train de cuire parvint à ses narines. Il ajouta alors avec un sourire :
- Que nous as tu préparé de bon, madame la meilleure cuisinière de pain de viande des États-Unis ?
Le vase presque rempli, je coupe le robinet et m’écarte de l’évier pour revenir vers le comptoir. Ses questions me font sourire pendant que je pose le vase et défais le bouquet pour mettre les fleurs dedans.
Du rôti de boeuf et des pommes de terre au four ! Je te donnerais le reste du menu après!
D’une main experte, j’arrange les fleurs dans le vase en ajoutant:
Et ça a été, il y avait un peu de monde dans le magasin pour les boissons, alors c’était un peu pénible mais bon…
J’hausse les épaules en finissant de m’occuper des fleurs:
Ça valait le coup ! Tout est sur la table pour grignoter et pour boire… Qu'est-ce que tu préfères un soft ou quelque chose d’alcoolisé ?
Cette fois-ci, je le fixe en parlant. Je me demande comment cette soirée va tourner. C’est une question qui m’a beaucoup fait cogiter cette semaine. Je suppose qu’on verra.
Il en avait l'eau à la bouche. Il avait sauté le repas du midi, par manque de temps, comme souvent. Cette fois il n'avait cependant pas grignoter de cochonneries. Il s'en serait voulu de ne pas avoir faim pour le repas du soir. Il la regardait arranger les fleurs comme hypnotisé. Elle savait y faire. Elle doit avoir l'habitude d'en recevoir.
Il hocha la tête à ses paroles.
- Le vendredi et le samedi c'est souvent la folie.
Leurs regards se croisèrent et Jake lui demanda ce qu'elle avait à lui proposer. Il hésitait entre un soft pour être sûr de garder le contrôle, et un whisky pour se détendre un peu. Quand il buvait, il en oubliait son âge, la réincarnation et tout le reste. Il finit par répondre :
- Tout me va, donc je prendrais comme toi.
Sa main était posée machinalement sur le plan de travail. Il n'aimait pas rester en place, sauf quand il créait.
Je lui liste toutes les sortes de boissons que j'ai. Pour ma part, je vais prendre du cidre de glace, c'est léger pour commencer et pas trop mauvais en apéritif, même si c'est mieux avec un dessert.
Du cidre de glace du coup !
Je fais encore demi-tour pour aller vers le réfrigérateur. J'en ai acheté deux bouteilles pour avoir du stock. Je prends une des bouteilles et referme la porte de l'appareil. Je retourne près de Jake pour la lui donner.
Tiens à toi de travailler un peu encore ! Je vais sortir les verres.
Sur ces mots et sans lui laisser le choix, je sors deux verres à champagne et les ramène.
On va éviter de trop boire si t'es fatigué. C'est plus prudent.
Prudent dans tous les sens du terme. On ne voudrait pas que ça dérape.
Une fois encore, Olivia dirigeait, contrôlait et il dû se contenir. Il prit la bouteille entre ses mains, et lui réclama un tire-bouchon avant de l'ouvrir. Pop. Il s'installa ensuite à table et ramena les verres vers lui pour servir.
- Je ne suis pas si faible que ça, ne t'en fais pas,lui répondit-il avec un sourire.
En soit, il n'avait pas prévu de finir ivre. C'était bien plus prudent d'être sobre, ou presque. Il n'avait pas envie de mettre fin à leurs footings communs pour une soirée qui aurait dérapé. Pour autant, il ne savait pas comment définir leur relation. Ils n'étaient ni amis, ni amants, ni un couple. Ils étaient des partenaires d'entraînement ? Mais un dîner de ce genre était hors contexte.
Il avança le premier verre vers Olivia, puis se servit. Un coup d'œil sur la table lui permit de voir qu'elle s'était donnée pour réaliser ce dîner, et cela lui fit plaisir. Il était content d'avoir choisi une tenue classe, et pas un simple jeans ou un survêtement. Il avait hésité pourtant, pour ne pas avoir l'air de la draguer.
- Hm, à la nôtre j'imagine, avait il lâché avec un sourire, levant son verre vers la jeune demoiselle.
Une fois encore, il eut un sourire amusé à la mention de "ce premier repas maison". Dans sa nouvelle vie, cela lui semblait irréaliste. Il regarda un instant Olivia, avant de boire une gorgée de cidre à son tour. Il ne voulait pas que l'ambiance devienne gênante, ou ambiguë. La situation l'était déjà bien assez et il se demanda comment il avait pu proposer ça. J'aurais dû lui demander une pizza ou des sushi. La voir manger des pizzas avec les doigts, ça doit être trop drôle. Cela dénoterait avec le côté princesse du moins. Si cette soirée ne tournait pas au fiasco, il lui proposerait peut-être un jour.
De quel craquage elle parle ? L'alcool ou …? Il chassa ses pensées. L'alcool bien sûr. Elle ne s'était jamais montrée entreprenante vers lui. Curieuse vis à vis de ses choix en matière de femmes, oui, mais intéressée non. Elle a quand même rougit quand elle m'est tombé dessus, songea-t-il.
- Testons alors, comment a-t-il simplement, avant de s'intéresser aux chips.
Il posa son verre et prit un biscuit apéritif. Il ne comptait pas en manger trop, pour avoir faim pour le plat. Cependant, il voulait leur éviter des gargouillements peu distingués.
- Ne t'inquiète pas, c'est très bien les chips.
Il fallait relancer la conversation, il parla naturellement de son intérieur.
- C'est sympa ton chez toi. Alors comme ça, tu n'invite pas grand monde ici ? Je vais finir par croire que je suis un privilégié, chérie.
Il insista bien sur ce dernier terme. Il l'avait taquiné plusieurs fois avec ça, depuis que sa mère les avait surpris à dormir ensemble.
La situation est tellement étrange, je ne sais pas si j’aurais pas dû décider d’autre chose, c’est quand même moins gênant à l’extérieur. Pourquoi a-t-il choisi le plat maison ? Je préférerais être au restaurant là ou dans un bar. J’allais enfourner un chips quand il reprit la parole en parlant de l’appartement. Ca me fait rire légèrement et je m’empresse de répondre:
Disons que tu m’as déjà vu saoule alors que ça n’arrive jamais, alors pourquoi pas ?! Et puis, j’invite certaines personnes, genre des filles mais pas des hommes. Si ils sont trop collants, c’est difficile de les déloger et je n’ai pas envie de me retrouver avec des stalkers !
N’ayant pas spécialement envie de m’étaler sur mes relations avec les hommes, je rebondis sur le début de sa phrase.
Mais merci du compliment, j’ai eu du mal à le trouver ! J’ai pu tout décorer comme je voulais. D’ailleurs, je te retourne le compliment, vous avez tout refait dans le vôtre pas vrai?
Elle ne me voit pas comme un homme ? Je dois le prendre comment ça ?, se demanda-t-il surpris. Dans un sens, il en était soulagé. Elle n’allait décidément rien tenter avec lui. Il se contenta donc de sourire poliment, ne sachant pas vraiment quoi dire. Au moins, elle se protégeait des stalkers et c’était une bonne chose. Avec son statut et son physique, cela pouvait vite dégénérer.
Il rebut une gorgée, avant de manger un peu pendant qu’Olivia poursuivait. Elle n’avait pas répondu à sa petite pique, et il aurait presque pu en faire une petite moue boudeuse, si il était détendu. La décoration, un sujet neutre et parfait.
- Oui, en effet. Tout de A à Z, l’isolation, les peintures, les sols, l'électricité et la décoration. Ca nous a prit pas mal de temps, mais je suis plutôt content du résultat. Et soulagé, que ma mère puisse vivre dans un environnement saint. Elle a eu des problèmes de santé, quand j’étais plus jeune.
Il haussa les épaules. Beaucoup d’explications, pour pas grand chose finalement. Mais entre eux, ils avaient dépassé le stade des banalités depuis un moment.
Je suis admirative de tout ce qu’ils ont fait, je me doute bien qu’ils ont dû le faire eux-mêmes. Par contre, la suite sur sa mère me surprend un peu.
Ah oui ? Vous avez fait du bon boulot ! Et pour ta mère… ça va mieux maintenant ? Elle avait l’air assez en forme quand je l’ai vue. Quoique je peux me tromper, je n’étais pas très bien réveillée et un peu trop surprise.
J’avoue que je ne sais pas trop quoi dire d’autre. Je ne suis pas douée pour ce genre de conversation, ça demande beaucoup plus d’empathie que je ne peux donner.
Au fait… elle ne t’a pas trop posé de questions sur moi ? Ou même demander à ce que je viennes ?
Je ne sais pas si je pourrais jouer le rôle jusqu’au bout, j’ai le talent de comédienne nécessaire mais peut-être pas la volonté de le faire.
Il la regarda avec un air un peu attendri, mais il se reprit vite. Il fit tourner le liquide dans son verre, il en avait déjà bu de longues gorgées. Il se sentait un peu mieux, un peu plus détendu. Le fait de n’avoir rien mangé l’aidait à ne pas assimiler l’alcool.
- Elle n’arrête pas de m’en poser !, avoua-t-il en riant.
Il passa une main dans ses cheveux, les ébouriffant au passage.
- J’essaye d’être évasif et noyer le poisson … Je pense que je vais devoir lui parler bientôt de notre rupture, ou un truc du genre… Je ne sais pas trop, mais je n’ai pas envie qu’elle insiste pour te voir, ce serait sans doute inconfortable pour toi.
Il se frotta une fois les yeux, avec sa main, puis poursuivit :
- Et pour sa santé, elle va beaucoup mieux. Elle s’est juste négligé longtemps, pendant que…
Pendant que son fils était dans le coma ? Avant que je n’arrive ?
- Pendant que j’étais dans le coma.
Il n’avait aucune raison de le cacher, après tout. Même si il devait s'approprier ce passage de la vie d’un autre, il n’était plus à sa près.
AH ! A vrai dire, je m’y attendais parce que je doute qu’il se vante de sortir avec des femmes plus âgées -en relation libre en plus- à sa mère. Comme moi je ne parle pas mes rencards qui ne concluent jamais. Et oui, ça serait inconfortable pour moi mais largement faisable. J’hoche doucement la tête pour montrer mon accord sur la partie ‘rupture’, plus il traine, moins ça sera plausible je pense. J’allais lui dire que ça ne me dérangeait pas de venir peut-être une fois quand il me répond à mon autre question. Et là, je suis abasourdie. Il a été dans le coma ?
Oh…
Je baisse les yeux sur mon verre, ne sachant pas trop quoi dire sur le coup mais je trouve vite quelques secondes après. C’est avec un ton soucieux que je demande:
Tu y es resté longtemps ? C’était grave ?
Je me doute bien que c’était grave mais il y a un certain degré à ces choses-là… je crois.
Bravo Jake, pour changer l'ambiance c'était top ça. Idiot. Il bu la fin de son verre, pour se donner une contenance.
- Hm, un an je crois. Je n'ai aucune séquelle à part une perte de mémoire d'avant cette période. Un moindre mal comparé à ce miracle.
Son ton était rassurant, il le vivait vraiment sereinement. La sonnerie du four choisit se moment pour se faire entendre, et Olivia se leva pour aller vérifier. Sûrement pour arroser. Ce début de conversation était vraiment malaisant et il avait envie de se frapper mentalement.
Il se leva et vint côté cuisine.
- Tu as besoin d'aide ? , demanda-t-il en arrivant derrière elle.
Apprendre ça, ça me fait de la peine pour lui. Ça n'a pas dû être facile pour sa mère, je comprends pourquoi elle s’est négligée. Je suis toute de même rassurée qu’il n’ait pas garder de séquelle. Je commence vraiment à l’apprécier, à me dire qu’on pourrait devenir amis, alors ça m’embêterait qu’il soit malade. La sonnerie du four m’épargne de répondre toute de suite et je me lève presque instantanément pour aller voir. Je marche rapidement jusqu’au four et l’entre-ouvre, ça a l’air prêt. Néanmoins, je ne m’attendais pas à ce qu’il m’ait suivi et je sursaute un peu à sa voix plus proche que prévu.
Ah euh non.
Je me retourne pour lui faire face.
Tout est prêt, il suffit qu’on finisse de boire et prendre l’apéro… Et l’entrée ! J’ai opté pour de la salade caesar. J’espère que tu aimes ça. Sinon je peux trouver autre chose.
Jake fut amusé de la voir sursauter. Il n'était pas du genre à rester tranquillement à table. Déjà dans son ancienne vie, cela l'agaçait, sauf quand il était joueur et de bonne compagnie, avec beaucoup d'alcool. Ce n'était pas pour rien qu'Edith gérait ses relations de travail à l'époque, et qu'elle organisait des expositions.
- C'est parfait.
Il n'était vraiment pas difficile. Ne pouvant se rendre utile, il retourna à sa place et se servit un nouveau verre, alors qu'Olivia n'avait pas encore terminé le sien. Il lui remplit, pour la peine. Si ils se testaient pour l'alcool, il allait devoir se caler à la vitesse de la demoiselle.
- Je me demande comment tu étais enfant, tu as des photos de toi ici ?
Il en doutait. Avait-elle tout laissé chez ses parents ? Il était finalement curieux, de voir si elle avait été une petite princesse depuis la naissance. Il espérait relancer la conversation avec un sujet plus léger cette fois.
Je suis quand même soulagée que ça lui convienne. J’ai toujours un plat de secours au cas où mais bon, il aurait fallu tout assembler et ça aurait été long. Je souris en répétant ce qu’il vient de dire:
Parfait.
J’attends qu’il retourne s’asseoir pour sortir le saladier du réfrigérateur. Je le pose sur un des plans de travail en attendant qu’on ait fini de grignoter. Ce n’est pas très agréable de manger des œufs très froid. Quand c’est fait, je fais demi-tour et allait m’asseoir quand il me pose une question inattendue. Des photos de moi enfant ?
Je dois en avoir qui traine, ma mère a tenu à ce que je prenne un double des photos. Attends, je vais chercher ça.
Ce ne sont pas vraiment des photos de moi mais des photos d’Olivia, en tout cas jusqu’à ses 8 ans. Je me dirige vers ma chambre. Elles sont dans une boîte dans une de mes commodes. Je les retrouve vite parce que tout est bien ranger chez moi, rien ne dépasse et tout est à sa place. Boite en carton dans les bras, je vais m’asseoir à côté de Jake et ouvre le couvercle.
Alors voyons ça…
Je prends une pile de photo en main et les parcoure rapidement. Je trouve bien vite une photo d’un bébé et je la donne à Jake.
Tiens voilà !
Je reprends mes recherches pour en sortir une autre de quand Olivia avait 5 ans. Je pense avoir trouver ce qu’il voulait, j’en suis sûre. Dessus, elle déguisée en princesse, avec la tiare et tout le tralala. C’est assez mignon je dois dire. Je la mets de côté avant de lui donner. J’en ai une autre de moi, peu de temps après mon arrivée dans ce corps. La différence est palpable, quelque chose est différent dans son regard, ça se voit que l’innocence est partie. C’est une photo de moi dans mon lit, en train d’écouter une histoire que la nourrice est en train de raconter. D’un geste, je lui donne les deux photos.
Je ne sais pas si les photos de mon adolescence vaille le coup d’être vue !
Traverser une seconde puberté n’était pas simple. Même si je l’ai mieux vécu dans ce corps bizarrement.
Il s'était attendu à un refus, une blague, une évasion. Cependant, il n'avait pas imaginé qu'Olivia lui montrerait des photos d'elle enfant réellement. Il patienta en grignotant. Heureusement, elle ne fut pas longue. Tout est sûrement bien rangé ici, avec une place pour chaque chose, songea-t-il. Il ne savait même pas où sa mère gardait les photos. Il ne s'y était jamais intéressé. Elle lui avait montré après la sortie du coma, dans l'espoir de lui faire "retrouver la mémoire". Cependant il s'était juste senti horriblement mal. Mal de vivre la vie d'un autre.
Olivia le sorti de ses pensées, et il lui adressa un sourire lorsqu'il vit la boîte qu'elle tenait dans ses mains. Il eut un sourire amusé à l'idée de voir un bébé, qui ressemblait à un bébé certes, mais qui denotait avec la jeune femme qu'il avait devant lui aujourd'hui.
- Moh, que tu étais mignonne !
Le type de bébé dont on va envie de pincer les joues, même si il ne comprenait pas comment les gens pouvaient se permettre ça. Si il avait eu un enfant avec Édith à l'époque, il n'aurait jamais laissé quelqu'un l'approcher. Il prit ensuite les deux photos suivantes et ressenti un malaise.
Si elles n'avaient pas été côte à côte, il n'aurait peut être pas été frappée par cette différence dans le regard. Par l'insouciance d'une petite princesse qui laissait place à une petite fille au regard vide, beaucoup trop pâle dans son lit. Il leva les yeux vers Olivia, curieux, mais ne fit aucun commentaire. Si elle voulait se confier à lui un jour… Elle le ferait. Il n'allait pas la forcer. Cependant, il se demandait ce qui avait pu se passer entre ces deux photos. On aurait dit deux jumelles : semblables mais différentes à la fois.
- Tu portes la tiare à la perfection, princesse, se contenta-t-il de dire en balayant son froncement de sourcils et son air sérieux.
Quand aux photos de l'adolescence d'Olivia… Il ne tenait pas spécialement à les voir. Cela lui renverrait le fait qu'elle restait extrêmement jeune, et que leur différence d'âge était beaucoup trop importante.
- Pourquoi ? Tu avais été happée par la mode permanente et bandeau ? , la taquina-t-il.
Il regarda une nouvelle fois les deux photos, puis les lui rendit. Jake prit de nouveau son verre et en bu une gorgée.
Je ne réponds pas à son compliment sur le fait que j’étais mignonne. Olivia était mignonne oui, le genre de bébé qu’on aurait pu avoir avec Jack. Elle lui ressemble, elle me ressemble aussi. Elle aurait pu très bien être notre fille. Rien que d’y penser, je ressens un pincement au cœur et une vague de regrets. La phrase suivante de Jake me fait sourire en oubliant cette sensation désagréable.
En doutais-tu ? J’ai un bon port de tête !
Sa question me fait sourire davantage et même rire.
Non rien de tout ça ! Avant et maintenant, j’ai toujours eu bon goût en matière de vêtement. Et puis, ça aide d’avoir une famille dans la mode.
Je reprends les photos pour les ranger et referme la boite. Je me relève encore pour la mettre sur une des chaises disponible et récupère mon verre en revenant m’asseoir à côté de Jake.
Toi je parie que tu étais du genre… hmmm rock non ? J’imagine mal te voir porter le genre sportswear de ces années-là. A moins que tu étais toujours aussi bien habillé ?
Je sais très bien qu’il a dit qu’il ne se souvenait pas de son passé à cause de son coma mais il a peut-être vu des photos ou ce genre de choses. C’est un des premiers trucs qu’on fait quand on perd la mémoire. Je me souviens que mes parents avaient essayé de faire la même chose. Ils n’avaient cependant pas insisté non plus. Les enfants n’ont pas vraiment une mémoire à long terme.
