[Terminé] Like father like son

Il s'est passé quelques jours depuis que j'ai eu un petit différend avec Volac. Disons qu'il n'a pas aimé que je le suive et que je ne lui dise pas mes motivations surtout. J'pensais qu'il irait allumer notre commandant mais finalement, je n'ai pas eu d'écho de la part de Redrum. Tsch. Depuis, j'ai tout fait pour rester discret et ne pas attirer l'attention de Volac. Pour ça, j'me suis terré dans les laboratoires et les ateliers de forge. Je n'aime pas spécialement me rendre dans les ateliers pour les épées mais le katana démoniaque que m'a refilé le commandant Redrum est étrangement poisseux de sang. Je dois nettoyer la lame avec du matériel que j'ai pas, parce que ce n'est pas vraiment mon domaine. En attendant qu'un atelier se libère, je patiente sur les marches menant à une salle commune qui relie ateliers et armureries. Assis et recroquevillé, le katana entre mes bras et mes jambes, las, je soupire.

Volac aimait prendre le temps de torturer ceux et celles qui passaient sous ses lames, mais pour cela il fallait les bichonner. Et il entretenait ses dagues avec une qualité  imparable. Sifflotant son air habituel, Volac passait deux heures tous les jours dans l’armurerie pour aiguiser ses armes favorites, appliquant du vinaigre sur la longueur de la lame pour ôter toute tache de rouille, ou les nettoyant avec précision si jamais il y restait des traces de sang.

Aujourd’hui n’y échappait pas d’ailleurs, mais lorsque le démon à sonnettes rangea ses armes à leur place et sortit de la pièce, il perdit son calme. Cela faisait quelques jours qu’il cherchait à croiser ce satané « bleu », mais il y avait toujours eu quelqu’un pour le déranger ou pour embarquer le petit ingrat loin de lui. Cette fois, il se tenait juste devant lui. Les yeux de Volac se noircissèrent pendant un quart de seconde avant de retrouver leur couleur quotidienne, mais il ne cacha pas son agacement en s’adressant à lui :

Volac : "Tiens donc, une visite inattendue. C’est Redrum qui t’envoie encore ou tu es décidé à arrêter les bobards ? "

Volac baissa les yeux, attiré par l’objet qu’il tenait près de lui. Il n’avait jamais vu cette arme, mais elle retint son attention pendant quelques secondes. Elle avait une sorte d’aura qui appelait le démon à s’en saisir, et il en ressentait la force. Il releva les yeux vers le stagiaire, le regard curieux :

Volac : "A qui est cette arme ? Redrum ne pouvait pas lever les fesses de sa chaise pour me la donner lui-même ?"

Je veux pas croire ce que je vois quand je le vois mais voilà Volac, tout à coup, sorti de nulle part comme si ma négativité permanente l'avait pondu juste devant moi pour me rappeler que le karma est une sal*pe. Combien y avait-il de chance pour que je le croise ici, à ce moment de ma vie, sérieusement ? Je décide de l'ignorer et je détourne le regard, blasé et désintéressé. Il commence à m'adresser la parole et les premières phrases rentrent par une oreille pour ressortir par l'autre. Le problème, c'est qu'il s'intéresse soudainement au katana. Et là, je peux pas l'ignorer. Je sens d'ailleurs que la lame démoniaque se manifeste... C'est comme si le katana réagit à Volac. Ou alors, c'est lui qui réagit au katana ? Non, en fait, on dirait plutôt que c'est moi. Bordel, prise de tête. C'est pas comme si j'avais vraiment eu le choix de prendre cette arme. Pour autant, j'ai pas envie de la lui refiler.

- Si vos couteaux sont émoussés, vous avez qu'à les polir, vous savez même pas ça ? Pas besoin de mendier un katana.

L'arrogance ne tue pas. J'crois.

L'insolence du jeunot l'irritait. Comment pouvait-il se permettre de lui répondre de la sorte ? Volac le plaqua contre le mur, avant-bras appuyé sous son menton pour le coincer :

Volac : "Fais gaffe morveux, tu sais pas à qui tu parles là j'ai l'impression. "

Le démon à sonnette leva la tête et le scruta sous tous les angles d'un air dédaigneux. Ce n'était pas sa belle gueule d'emo qui allait absoudre ses vices.

Volac : "Je te montrerai bien de quoi mes dagues sont capables, mais elles ne méritent pas ce châtiment. "

Il lui enfonça son genou dans le ventre puis se détacha de lui, faisant quelques pas en arrière. Les mains dans les poches, il accompagna ses paroles d'un mouvement de tête pour désigner l'arme.

Volac : "Je répète, qu'est ce que tu fous avec ça ?"

Franchement, j'espère qu'il s'y est pas pris comme ça pour coucher avec ma mère. Il compte vraiment s'imposer avec de la menace ? Je crois bien qu'avant ça aurait marché mais depuis que je suis sous les ordres de l'autre enfoiré de commandant, j'ai développé une forme de résistance face au brin de domination. Alors non, je risque pas de céder.

Je finis par le dévisager, l'air contrarié. J'évitais le contact visuel pour me convaincre qu'il est pas vraiment devant moi, en train de s'intéresser à quelque chose qui m'appartient. Sauf qu'il s'obstine. Le coup de genou dans l'abdomen, je m'en serais passé volontiers.

Et moi, j'entends des murmures dans ma tête. Les murmures se transforment en résonance et ça me tue de l'intérieur.

C'est lui que tu veux. C'est lui qui t'obsède.
Je le sais, je le sens.
Tu vois, toi et moi, on est pareils. Laisse-moi faire.

C'est pire qu'un grésillement dans mon oreille. Insupportable.

- ... fous-moi la paix.

Je déballe ça sèchement, à haute voix. Meilleure façon de lancer un malentendu, quoi. C'est même pas à Volac que j'en veux. Quoique lui aussi je voudrais qu'il me laisse tranquille. Cette histoire de katana, j'en suis vanné. Puisqu'il fait fixette dessus, il n'a qu'à le prendre ce sabre de malheur. Je lui tends sans rien ajouter. Qu'il m'en débarrasse !

...

Un mouvement d'hésitation, un instant d'absence. Le brouillard s'épaissit dans ton esprit. Tu n'es plus toi-même. Quelqu'un d'autre prend le contrôle. Tu ramènes le katana vers toi. Tu ne le donneras pas aussi facilement au démon à sonnettes. C'est toi qui a besoin de moi, pas lui. Tes yeux sont voilés par les ténèbres pourpres et prennent une couleur cramoisie. Alors tu regardes droitement cet autre démon. Tu croises son regard.

Oh, jamais tu n'avais osé te plonger dedans. Quel délice sublime. Apprécies-tu ce moment ? Si tu me laissais faire, tu pourrais l'avoir rien qu'à toi.

Soudain, je reviens.

C'est pas vrai... c'est encore arrivé. Je secoue la tête, confus. Rapidement, je sors une réponse toute faite à Volac pour qu'il évite de se douter de quelque chose. Il est bien la dernière personne à qui je pourrais laisser voir que ce foutu katana me possède. Pour ça, je peux bien me faire passer pour le toutou fidèle de Redrum.

- Ordre du commandant Redrum. Si vous avez un problème avec ça, c'est pas vers moi qu'il faut se plaindre. Je tiens pas à ce que nos têtes tombent.

Valeron : ... fous-moi la paix.

Volac : "T’as dit quoi là ?"

Volac leva un sourcil et passa la langue sur ses dents nerveusement, crispant sa mâchoire pour éviter de le fracasser contre le mur. Le démon à sonnettes tendit la main pour attraper le katana que cet idiot lui mettait sous le nez, mais il vit rouge quand il se rétracta. S’il était devenu le joujou du commandant, il ne valait peut-être mieux pas qu’il lui fasse du mal, enfin... Rien de visible du moins.

Leurs regards se croisèrent l’espace d’une seconde. Ses doigts se refermèrent, serrant son poing avec une envie ardente de lui coller dans la figure, mais il se ravisa quand le gamin ouvrit la bouche à nouveau. Un sourire tordu s’étira sur son visage, puis il lui attrapa le col et vint coller son front contre celui de la recrue, lui donnant presque un coup de tête au passage.

Volac : " Continues à me parler comme ça et tu finiras en poussière comme les autres, Redrum ou non."

Il le lâcha puis passa un petit coup de main sur les épaules du blanc-bec, histoire de défroisser sa veste avant de le toiser de nouveau.

Volac : "Allez, dégage de là et vas chialer dans les jupons de Redrum. J’ai autre chose à foutre que de m’occuper de toi."

Il l’écarta de son chemin, entra dans la salle d’armes et claqua la porte derrière lui, le laissant planté dans le couloir. S’occuper des morveux était loin de faire partie de ses attributions. Il devait s’occuper de ses dagues et avait quelques pigeons à dépecer.